Entre « l’expert et l’usager », un amateur opportuniste : Édouard-Alfred Martel et la médiatisation photographique de la spéléologie autour de 1900 – Laureline Meizel

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En 1903, le catalogue de la « Bibliothèque photographique » s’enrichit d’un nouveau titre : La photographie souterraine (fig. 1). Signé par Édouard-Alfred Martel (1859-1938), il est annoncé comme le premier ouvrage consacré à la prise de vue sous la surface terrestre[1], un statut qu’il conserve aujourd’hui parmi les historiens de cette pratique[2]. À une époque où les éditeurs, les collections et les revues dédiés se multiplient à mesure que la pratique photographique se massifie, le caractère pionnier de ce traité confirme l’excellence de la collection dans laquelle il paraît, à l’égard de la publication des savoirs les plus récents sur la photographie autour de 1900.

La « Bibliothèque photographique » est en effet la première collection à avoir rassemblé des livres sur les aspects pratiques et théoriques du médium en France. Elle a été lancée en 1876 par Jean-Albert Gauthier-Villars (1828-1898), successeur en 1864 de l’imprimeur-libraire parisien Mallet-Bachelier. Le catalogue de ce dernier, spécialisé en sciences physiques et en mathématiques[3], contient le premier texte officiel sur la photographie[4], ainsi que l’une des plus anciennes revues consacrées au médium : le Bulletin de la Société française de photographie (BSFP), publié à partir de 1855. Poursuivant l’impression de ce périodique après l’achat du fonds de Mallet-Bachelier, Gauthier-Villars développe la politique éditoriale de son prédécesseur. En lançant la « Bibliothèque photographique », il acquiert le statut d’éditeur historique des photographes, à la fin du XIX^e siècle[5].

Augmentée jusqu’en 1921, la « Bibliothèque photographique » est composée d’ouvrages confiés à des spécialistes renommés au sein de la communauté des photographes français et internationaux, qu’ils appartiennent à la catégorie des amateurs – tel Alphonse Davanne (1824-1912), membre fondateur de la Société française de photographie (SFP) et vice-président de cette association lorsque paraissent les deux volumes de son opus magnum sur le médium[6] – ou bien à la catégorie des professionnels – ainsi le docteur Joseph-Maria Eder (1855-1944), directeur de l’École royale et impériale de photographie de Vienne au moment de la publication de son traité sur les prises de vue à la lumière du magnésium, en 1890[7].

Dès lors, comment expliquer que le premier ouvrage sur la photographie souterraine – quoiqu’il paraisse dans cette collection – ait été rédigé par un auteur qui, non seulement n’est pas un photographe professionnel, mais qui, en outre et de son propre aveu, n’a débuté ses expérimentations que quatre ans avant la parution de son traité[8] et dont le nom n’apparaît sur aucune liste de membres des associations photographiques foisonnant autour de 1900 ?

Comme l’a montré Clément Chéroux, ces regroupements deviennent pourtant, à la fin du XIX^e siècle, des lieux de distinction entre deux types de photographes amateurs : « l’expert et l’usager[9] ». Selon la définition qu’en donne l’historien, l’usager émerge tardivement sur la scène photographique – dans les années 1890 –, de la simplification procédurale résultant de l’adoption des plaques au gélatino-bromure d’argent au début des années 1880. Se satisfaisant d’un dispositif de plus en plus automatisé, l’usager cantonne ses prises de vue à la sphère privée, dont il enregistre le quotidien pour le constituer en événement digne de la mémoire familiale. Au contraire, l’expert inscrit sa pratique au sein d’un collectif, inspiré du modèle des sociétés savantes puis de celui du club. Se nourrissant de l’émulation qu’il suscite, l’expert ambitionne d’y contribuer au perfectionnement des techniques photographiques, au bénéfice de la communauté des praticiens à laquelle il participe. Au fondement de la Société héliographique puis de la SFP au début des années 1850, l’archétype de l’amateur expert est ancien, mais il se revivifie en réaction à l’augmentation exponentielle des usagers à partir des années 1890. Or, ce n’est pas parmi ces derniers, mais bien parmi les experts, que se recrutent les auteurs amateurs de la « Bibliothèque photographique ». S’y ajoutent les photographes professionnels, qui, s’ils émargent aux sociétés savantes, constituent également leurs propres regroupements. En France par exemple, ils créent la Chambre syndicale de photographie en 1862, qu’ils relancent à la faveur des débats sur le droit d’auteur, autour de 1880.

En introduisant une sous-partition dans la polarisation traditionnelle entre amateurs et professionnels, l’étude de Clément Chéroux a donc contribué à nuancer notre compréhension du champ de la photographie autour de 1900. Le cas de Martel – néophyte autoproclamé et photographe non affilié publiant pourtant dans la collection de Gauthier-Villars – semble toutefois à même d’enrichir ce système. Il suggère en effet la possibilité d’une position intermédiaire au sein de la catégorie des photographes amateurs, entre « l’expert et l’usager ». Afin de mieux saisir cette position – et de contribuer à la cartographie du champ photographique de la Belle Époque –, cet article propose de retracer la trajectoire de Martel au sein de la communauté qui l’anime. Que représente-t-il pour les photographes au début du XX^e siècle, qui justifie la parution de son ouvrage dans la « Bibliothèque photographique » ? Qu’y préconise-t-il ? Et quelle en est la réception ?

Pour répondre à ces questions, cet article s’appuie sur des recherches financées par une bourse de l’Institut pour la photographie[10]. Elles ont notamment porté sur les principales revues photographiques des XIX^e et XX^e siècles, sur les collections de la SFP, enfin sur les archives privées de Martel, conservées dans sa dernière demeure à Saint-Thomas-la-Garde[11]. En octobre 2020, un état intermédiaire de ces recherches a été présenté lors d’une journée d’étude du programme ANR AmateurS[12], qui visait à rouvrir le débat sur l’histoire de l’amateurisme en photographie, en le corrélant avec l’amateurisme en sciences. Documentant précisément la réception des travaux de Martel dans les réseaux photographiques entre les années 1880 et 1920, cet article propose in fine d’identifier un troisième type d’amateur photographe autour de 1900, caractérisé par l’opportunisme de son engagement[13].

1. De la conquête des Alpes à l’invention des Causses souterrains : définition d’un terrain, d’une méthode et d’une stratégie de communication plurimédiatique (1883-1888)

Selon nos recherches, Martel n’est affilié à aucune des sociétés maillant le champ photographique autour de 1900. Son nom n’apparaît sur aucune liste de membres publiée par ces associations dans leur organe de diffusion, non plus que dans les annuaires consacrés à la photographie. Parallèlement, ses archives privées sont muettes sur le sujet, alors même qu’il a conservé jusqu’aux plans de table de certains de ses dîners. Pourtant, au passage du siècle, Martel n’est pas un inconnu des réseaux de sociabilité que ces associations structurent. Dès le milieu des années 1880, son nom est même régulièrement cité dans les principales revues photographiques[14], à la faveur des comptes rendus de l’Annuaire du Club alpin français (ACAF)[15], dont il est l’un des contributeurs réguliers à partir de 1883.

À cette époque, le jeune homme y relate avec ferveur ses excursions et ses découvertes, effectuées dans le cadre des loisirs que lui laissent ses études de droit, puis sa charge d’avocat agréé auprès du tribunal de commerce de la Seine, à partir de 1886[16]. S’il embrasse la même profession que son père[17], Martel – né en 1859 à Pontoise dans une famille suffisamment aisée pour sillonner l’Europe chaque année – développe un goût précoce pour la topographie et la géographie. En 1877, il obtient par exemple le premier prix au concours général des lycées de Paris en classe de rhétorique, décerné par la Société de géographie (SG)[18]. Deux ans plus tard, il devient membre de cette ancienne et prestigieuse société savante[19], alors même qu’il n’est encore qu’étudiant[20]. De plus, son inclination pour les sciences de l’espace se double d’un goût marqué pour l’effort physique, qui s’exprime dans l’alpinisme, la randonnée en itinérance et dans son appétence pour la rusticité des conditions de voyage ; à travers elle, pointe la recherche d’une authenticité, celle des paysages traversés et des populations rencontrées. Martel croise ainsi les intérêts du Club alpin français (CAF), fondé en 1874 par des élites économiques et intellectuelles de la rive gauche pour soutenir le développement de la science géographique en France, comme la connaissance, la mise en valeur et la fréquentation touristique du territoire national[21]. En 1883, il devient donc l’un des adhérents du club[22], dans l’Annuaire duquel il signe d’emblée le récit d’une de ses courses alpines[23].

Cette même année, sur les conseils d’un des membres du CAF – Alphonse Lequeutre (1829-1891) –, Martel entame une série d’excursions dans la région des Causses[24]. Il peut en effet la parcourir facilement durant ses loisirs et il est également attiré par ce territoire fort méconnu des géographes et des touristes. Dans les années 1880, il se livre à son exploration systématique, ainsi qu’à sa description et à sa publicité. En 1885, année où il participe à la fondation de la section du CAF consacrée à la Lozère et aux Causses[25], il est par exemple le premier à cartographier le chaos de Montpellier-le-Vieux[26].

Découvert et signalé seulement deux ans auparavant par Louis de Malafosse à la Société de géographie de Toulouse[27], ce site est décrit comme « une vraie merveille naturelle restée, jusqu’à ce jour, complètement inconnue, malgré ses dimensions grandioses et son étendue considérable et aussi malgré sa situation au centre de notre France.[28] » Absent de la carte de l’État-major et mal repéré sur celle de Cassini[29], Montpellier-le-Vieux attise les convoitises de Martel, « invinciblement fasciné par l’éloquence de [la] notice [de Malafosse][30] ». En 1884 et 1885, il s’y rend donc à deux reprises, afin d’admirer « les fééries du Causse Noir[31] » et de compléter ce blanc de la carte, véritable Île mystérieuse suspendue au-dessus des vallées de la Jonte, du Tarn et de la Dourbie[32]. Publié en 1886 dans l’ACAF (fig. 2), le plan topographique de ce site, au 1/10 000^e, constitue l’aboutissement d’un événement suffisamment important pour que l’ex-libris de Martel le célèbre sa vie durant (fig. 3). Plus encore que la découverte des gorges du Tarn, il marque en effet le début d’une carrière dédiée à l’invention[33], à la documentation et à la vulgarisation des beautés naturelles enfouies dans les replis de la surface terrestre, en particulier du territoire français[34]. Cet événement marque également la systématisation de sa collaboration avec des photographes, dont le rôle est dès lors clairement défini : attester par de « bonnes et fidèles images[35] » les merveilles découvertes.

À partir de la première visite de Martel à Montpellier-le-Vieux, les sources indiquent en effet qu’il délègue la réalisation des prises de vue de ses expéditions, se gardant le privilège de la levée et du dessin des cartes, comme de la rédaction des comptes rendus. Au cours des années 1880, il s’associe notamment avec des photographes gravitant autour d’un pôle toulousain. La ville est non seulement proche des Causses, mais elle compte également l’une des sociétés photographiques les plus anciennes de France après la SFP[36]. En 1882, elle voit de plus la création d’une Société de géographie très active dans la région[37]. Martel collabore donc avec plusieurs photographes amateurs et professionnels, membres ou proches de ces associations[38], dont certains sont déjà célèbres dans les milieux photographiques et géographiques de l’époque – tel Eugène Trutat[39] –, quand d’autres sont moins connus, par exemple le photographe millavois Casimir Julien[40] et, surtout, le photographe amateur « des plus distingués[41] » Hubert Chabanon.

Avec ce dernier, notaire à Ganges, Martel produit par exemple vingt-six photographies de son expédition de 1884 dans la région des Causses (fig. 4), selon la dédicace qu’il rédige sur la page de garde de l’album dans lequel il les a rassemblées pour en faire don à la Société de géographie en 1887[42]. Indiquant dans cet exergue qu’il a « fait » ces photographies avec son compagnon, Martel semble ainsi se réclamer d’un rôle de concepteur ou de co-directeur de ces prises de vue, plutôt que d’une part dans leur réalisation concrète. En effet, il les attribue uniquement à Chabanon lorsqu’il les utilise comme modèle pour les illustrations de ses articles dans l’ACAF (fig.  5). Dans ceux-ci, il salue de plus les compétences techniques de son camarade[43]. En quelques rares occasions cependant, Martel suggère pratiquer lui-même la photographie à cette période. Par exemple, il écrit dans un article publié en 1886 : « Sur le plateau de la rive gauche [de la Sioule], on reconnaît à son dôme de scories le volcan qui a fait dans ce coin du Puy-de-Dôme des merveilles géologiques. C’est là que je regrettai d’avoir oublié un bon objectif et quelques plaques ![44] ». Selon cette citation, Martel réaliserait donc des prises de vue dès le milieu des années 1880. Son appartenance au milieu aisé et bourgeois parmi lequel se recrutent les membres des sociétés photographiques de l’époque pourrait corroborer cette information. Néanmoins, nos recherches ne nous ont pas permis de retrouver la moindre photographie signée de la main seule de Martel datée d’avant 1891. Aussi, la revendication de son implication dans la création des images déposées à la Société de géographie, de même que ses quelques évocations de séances de prises de vue, nous permettent-elles d’abord d’avancer qu’il possède une connaissance au moins minimale de la pratique photographique dès le mitan des années 1880, à laquelle son milieu social pourrait avoir contribué. Dans le même temps, la pratique ponctuelle de la cosignature par Martel, réitérée dans les années 1890[45], nous invite à mesurer l’importance des fonctions qu’il confère d’emblée aux photographies de ses expéditions, chargées d’illustrer et d’attester les récits tout à la fois littéraires, pittoresques et scientifiques, qu’il multiplie à cette époque sur la région des Causses, en particulier dans l’Annuaire du Club alpin français.

Il sait en effet pouvoir profiter des conditions éditoriales de ce périodique, l’un des fleurons de la maison Hachette, dont les dirigeants ont contribué à la fondation du CAF[46]. Tirant parti du monopole acquis au début des années 1850 sur les bibliothèques de gare[47], la maison d’édition, d’abord spécialisée dans le domaine scolaire et universitaire, diversifie sa production à cette période, en direction notamment des livres pratiques pour le voyage, de la littérature viatique et de la vulgarisation géographique. Son catalogue se pare ainsi de la collection des « Guides Joanne » au début des années 1850[48], de la revue du Tour du monde à partir de 1860[49] et de l’Annuaire du Club alpin français à partir de 1874. À travers ce type de publications, une équipe de dessinateurs et de graveurs se constitue, qui développe les codes d’une illustration destinée à répondre aux besoins de la vulgarisation géographique. Dans ce but, le style pittoresque est tempéré par un souci de vérité, par exemple dans le rendu géomorphologique des paysages représentés. La mise en place de ces codes explique ainsi l’intérêt précoce manifesté par les dessinateurs et les graveurs de la maison Hachette pour la photographie, qui est toutefois limitée à un rôle de modèle pour leurs illustrations. Dans les années 1870, les dirigeants de cette maison d’édition se montrent de même pionniers dans la promotion de procédés de reproduction photomécanique encore expérimentaux. Cependant, ils les exploitent pour imprimer des dessins, plutôt que des photographies[50].

Dans les années 1880, et même 1890, l’économie visuelle de l’ACAF est donc infléchie par les orientations et les prérogatives des professionnels contribuant à sa fabrication, renforcées par l’horizon d’attente de son lectorat. Aussi, l’Annuaire s’appuie-t-il encore majoritairement sur le concours de dessinateurs et de graveurs à cette période, afin de traduire les images photographiques mobilisées pour son illustration. Malgré tout, dans cette revue, la place centrale accordée au médium pour la collecte d’informations sur le terrain – qui s’exprime notamment dans le systématisme de la mention « d’après [la] photographie de [x] » en légende des figures –, et généralement les visées du CAF, expliquent que plusieurs de ses membres émargent également aux sociétés photographiques ; à la fin du XIX^e siècle, leur liste d’adhérents – qui appartiennent aux mêmes milieux sociaux – se chevauchent. Cette communauté d’intérêts et d’individus justifie ainsi que le CAF devienne l’une des sociétés correspondantes de la SFP à partir de 1880[51]. Dès lors, son Annuaire lui est envoyé chaque année, pour faire l’objet d’un compte rendu dans les pages du BSFP[52].

Dans celui-ci, les récits de Martel font donc l’objet de mentions spéciales dans les années 1880[53], en particulier lorsqu’ils sont accompagnés d’illustrations réalisées d’après les photographies d’amateurs experts. De plus, certains de ses articles ont l’honneur de critiques autonomes dans le BSFP, mais également dans d’autres revues photographiques. En effet, Martel les fait tirer à part afin de les distribuer largement, par exemple aux bureaux des revues ou aux bibliothèques des associations qu’ils peuvent intéresser. Bien que le recours à la médiation des dessinateurs et des graveurs fasse l’objet de critiques dans les comptes rendus des revues photographiques, l’apport cognitif des illustrations des récits de Martel y est salué, à l’instar du caractère vivant de ses descriptions[54]. Parallèlement, il est également cité pour les conférences avec projections de photographies qu’il commence à donner au milieu des années 1880, au CAF ou à la Société de topographie. Débarrassé des contraintes économiques de l’édition, il y appuie « ses explications de nombreuses et belles photographies[55] » réalisées par ses compagnons d’excursions, que les comptes rendus décrivent comme de véritables révélations.

Dès cette époque, Martel met donc en place une stratégie de communication particulièrement élaborée, autour d’expéditions qu’il mène pourtant au cours de ses loisirs. Cette stratégie vise à promouvoir des recherches concentrées sur une région peu à peu délimitée aux Causses, dont les méthodes d’exploration et de documentation – fondées sur le partage des tâches – sont également fixées dans la seconde moitié des années 1880. Cette stratégie de communication fait front, notamment, sur l’usage de photographies pour attester et animer ses descriptions. Dans ce but, et jusqu’en 1899, Martel peut aider à leur conception sur le terrain, mais il confie généralement l’entièreté de leur réalisation à des photographes professionnels ou amateurs, avant de les utiliser pour ses publications et ses conférences. Cette stratégie repose donc aussi sur la multiplication des canaux de diffusion pour une même information, qui peut aller jusqu’à la répétition à l’identique de sa formulation, afin de toucher un vaste public. Elle l’amène enfin à collaborer avec les réseaux photographiques toulousains des années 1880, ce qui attire l’attention des cercles parisiens. Bien que leurs affiliés l’identifient comme un « membre du Club alpin[56] », non comme un photographe amateur lui-même, ils l’invitent à développer encore ses usages du médium, dans leurs comptes rendus de ses publications. Cette exhortation va d’ailleurs être réitérée à l’occasion du récit de sa première campagne d’exploration sous la surface du sol en 1888, publié dans l’ACAF en 1889[57]. En effet, c’est également à cette période que Martel invente ce qui va constituer l’un de ses terrains de recherche privilégiés au cours de la décennie suivante : les Causses souterrains.

2. L’édition de photographies au service d’une nouvelle discipline : la spéléologie, ou science des cavernes (1889-1899)

Pour documenter ce nouveau type de terrain par le médium photographique, un double problème se pose alors. Il tient non seulement à la prise de vue à la lumière artificielle, mais surtout à la réalisation de photographies dans des conditions très précaires, celles de l’exploration de milieux naturels à la fois confinés, obscurs, humides, bruyants, bien évidemment non cartographiés et donc très dangereux. Aussi, le récit de cette première campagne est-il illustré d’après des croquis réalisés pendant l’exploration par l’un des compagnons de Martel (fig. 6 et 7), le sculpteur Théodore Rivière (1857-1912), et non d’après des photographies.

Pourtant, dans le long article qu’il tire de cette expédition, Martel – énumérant la liste du volumineux matériel emporté pour explorer la rivière souterraine de Bramabiau, l’aven, les grottes de Dargilan et des Baumes-Chaudes – cite, outre les cordages et les échelles, la dynamite et le fameux bateau démontable de quelque 25 kilos (fig. 6), une pile électrique, des bougies stéariques et, enfin, un réflecteur à magnésium avec mouvement d’horlogerie[58].

Le prix de ce métal, dont la combustion produit une lumière très claire et actinique, a fortement baissé à la fin des années 1880[59]. Pour sa part, Martel emploie sa lumière, à la fois brève et extrêmement vive, pour sonder la profondeur des galeries et l’ampleur des cavernes[60]. Cependant, les photographes commencent à l’utiliser couramment à cette période, afin de réaliser leurs prises de vue lorsque la faiblesse de l’éclairage naturel exige le recours à la lumière artificielle. Expliquant que Gauthier-Villars commande à Eder un traité sur le sujet dès 1889[61], ce phénomène nourrit aussi la virulente critique dont l’article de Martel fait l’objet, dans L’Amateur photographe de cette même année.

À cette date, Fleury-Hermagis (1835-1912), célèbre constructeur d’objectifs, et Rossignol, un pharmacien-chimiste, font paraître un extrait de leur Traité des excursions photographiques dans ce périodique, qui prend Martel comme contre-exemple de leurs préconisations[62]. S’appuyant sur la liste du matériel énuméré par l’explorateur, leur critique fustige notamment le choix qu’il a fait du dessin pour documenter les découvertes réalisées dans le cadre de son expédition, alors même que le magnésium aurait pu permettre la réalisation d’images photographiques. Selon eux, cette décision disqualifie les vertus probatoires des illustrations du récit de Martel, qui décrit des territoires absolument inédits. Il leur paraît d’autant plus curieux que, bien qu’il n’ait pas jugé bon d’exploiter le magnésium pour prendre ou faire prendre des photographies, il a tenu à s’assurer l’authenticité de son invention, en faisant dresser un procès-verbal de la traversée de Bramabiau par le maire de la commune voisine[63].

Le choix du dessin, dont les conséquences sont accentuées par la traduction des croquis de Rivière pour leur publication dans l’ACAF[64], est aussi difficilement compréhensible pour Fleury-Hermagis et Rossignol, parce qu’ils connaissent des prises de vue réalisées dans des grottes auparavant, avec du matériel photographique beaucoup moins léger, compact et sensible que celui mis au point depuis l’adoption des plaques au gélatino-bromure d’argent. Cependant, ils se réfèrent à des grottes aménagées pour le tourisme – telles celles de Han-sur-Lesse et d’Adelsberg[65] –, non à des cavités découvertes lors d’explorations, dont les conditions complexifient beaucoup la pratique photographique. Reste que Martel, dès le début des années 1880, avait lui-même invoqué la nécessité d’attester de ses découvertes par un médium jugé plus objectif que le dessin pour recourir aux compétences de photographes, en particulier lors de la prospection de régions méconnues, tel Montpellier-le-Vieux[66]. Aussi, cet impair est-t-il réglé l’année suivante. Pour sa deuxième campagne « sous les Causses[67] », Martel nomme son cousin « photographe de l’expédition[68] ».

Comme Martel, Gabriel Gaupillat (1862-1939) est issu d’un milieu aisé, où la pratique de la photographie est, sinon courante, du moins familière et accessible à cette époque. Il est en outre directeur d’une usine de cartouches, et coutumier peut-être des manipulations chimiques requises par la photographie au magnésium. Toutefois, Gaupillat est absent des listes de membres des sociétés photographiques à la fin des années 1880, quoiqu’il réalise sans doute des photographies en amateur avant cette seconde exploration. En revanche, il a pris part à la première expédition de Martel sous les Causses[69]. Lorsqu’il s’agit de déléguer la production des prises de vue de ses campagnes souterraines, Martel privilégie donc la familiarité avec le milieu exploré, plutôt que l’expertise dans la maîtrise du médium. Les premières tentatives de Gaupillat sont d’ailleurs laborieuses. Publié en 1890, toujours dans l’ACAF, le récit de cette seconde campagne ne mentionne qu’un seul cliché, raté qui plus est[70]. Par conséquent, les illustrations de ce nouvel article sont majoritairement réalisées d’après des photographies des alentours des grottes, qui ont en plus été redessinées, avant d’être gravées sur bois ou gillotées.

Dans ce cas cependant, on doit supposer que l’absence d’illustrations inspirées des photographies souterraines de Gaupillat résulte d’un choix effectué par l’équipe éditoriale de l’ACAF. La même année, Martel publie en effet plusieurs vues souterraines de son cousin dans Les Cévennes, son premier livre édité par Delagrave[71]. On peut notamment y apprécier une photographie du « Clocher » de Dargilan, réalisée sous terre au magnésium par Gaupillat en 1889 (fig. 8). De plus, pour minimiser le recours au graveur et au dessinateur, cette image a été imprimée grâce à un procédé photomécanique proche de la similigravure, par la Société générale des Applications photographiques[72] (SGAP). Déjà utilisée pour une annonce de la parution du livre en 1889[73] (fig. 9), cette photographie a néanmoins été très retouchée en vue de son impression. Quoiqu’elle soit qualifiée de « reproduction directe » en légende de ces deux occurrences, elle témoigne ainsi des difficultés rencontrées par Gaupillat pour représenter les immenses cavernes aux parois scintillantes découvertes avec Martel, par la photographie au magnésium et dans des conditions d’exploration.

Sa comparaison avec la gravure réalisée pour l’ACAF de 1889, d’après un dessin de la même salle inspiré du croquis de Rivière de 1888, permet aussi de percevoir la différence entre la représentation graphique et celle photographique proposée par Gaupillat à la fin des années 1880, à l’égard des formes baroques des stalagmites comme de leur mise en scène (fig. 7 et 8). Ainsi, la silhouette du « Clocher » est plus conforme à la réalité dans la photographie. À l’inverse, la représentation d’un personnage en mouvement et une torche à la main, si elle correspond aux codes de la figuration de l’exploration mis en œuvre dans l’ACAF[74], n’est possible à cette date que grâce à la médiation du dessin et de la gravure. Le temps de pose des clichés de Gaupillat atteint en effet jusqu’à dix minutes à cette période[75]. Dans Les Cévennes, Martel choisit toutefois de publier à la fois le croquis redessiné et gravé (fig. 7) et la photographie retouchée (fig. 8)[76]. Ceci nous indique qu’il veut jouer de toutes les cordes de l’illustration : attestation et séduction. Dès lors, l’absence de la photographie de Gaupillat dans l’ACAF de 1890 peut être expliquée par l’existence de concurrents, dont les images ont conduit l’équipe éditoriale de l’Annuaire à retoquer l’utilisation de la première, même comme modèle à l’illustration.

Effectivement, la publicité donnée par Martel à ses découvertes suscite rapidement une émulation parmi la communauté des photographes experts, qui sont aussi excursionnistes. Ainsi, Joseph Vallot (1854-1925), membre actif du CAF[77] et de la SFP[78], lui emboîte le pas avec sa femme dès 1889[79]. Lors de cette première expédition dans les grottes de l’Hérault, Vallot, photographe amateur chevronné, réalise pour sa part des images au magnésium jugées suffisamment réussies, même avec la présence d’un modèle, pour inspirer les dessinateurs et les graveurs de l’ACAF (fig. 10 et 11). Dès 1890, elles sont utilisées pour illustrer le récit de cette expédition par sa femme, Gabrielle Vallot (1856-1933)[80], qui est inséré dans l’Annuaire à la suite de l’article de Martel consacré à sa seconde campagne sous les Causses, publié quant à lui sans le secours des vues hypogéennes de son cousin. Cette même année, Vallot communique sur ses essais de photographie souterraine à la SFP[81]. Citant les expérimentations peu fructueuses de Gaupillat, il indique les améliorations qu’il a apportées à cette pratique. Elles tiennent en particulier au dispositif de combustion du magnésium, qui lui permet de « mettre auprès des objets à photographier un personnage, qui peut faire juger de [leur] dimension[82] ». Dès l’année suivante, Nadar met sa propre lampe sur le marché (fig. 12), bientôt imité par d’autres constructeurs[83].

À la faveur d’un engouement pour le « grottisme[84] », qui s’inscrit dans celui plus général pour l’excursionnisme, on assiste alors à une multiplication et à une diversification des prises de vue souterraines, qui sont abondamment commentées dans les séances et les bulletins des sociétés photographiques. En effet, leur réalisation nécessite de contourner d’importantes difficultés techniques, qui plus est à l’extérieur du studio. Or, cette double caractéristique – qui vise à repousser les limites du médium – correspond en tous points aux programmes des associations de l’époque[85]. À cet égard, on peut citer le projet de la Société d’excursions des amateurs de photographie (SEAP), dont la séance inaugurale, en 1887, avait consisté à partir en excursion pour aller photographier en groupe un sujet difficile, mais non impossible depuis l’adoption des plaques au gélatino-bromure d’argent : une explosion dans une carrière de gypse aux alentours de Paris[86].

Au début des années 1890, Martel est donc pour beaucoup dans l’éclosion d’un nouveau genre en photographie : la vue souterraine. Néanmoins, pendant la plus grande partie de cette décennie, ce n’est pas lui qui communique sur le sujet dans les réseaux photographiques, non plus que les membres de son équipe, ceux qui réalisent effectivement les prises de vue et qui profitent des améliorations apportées à cette pratique par les photographes experts. Les revues spécialisées mentionnent pourtant régulièrement le nom de Martel. Quoi qu’il soit toujours identifié dans ce contexte comme un explorateur, il est notamment cité pour les images obtenues par ses camarades dans les « grandes excavations souterraines des Causses[87] », qu’il continue à diffuser très largement par le biais de ses nombreuses publications et conférences. Réciproquement, celles-ci témoignent de l’engouement contemporain pour la photographie hypogéenne. À cette période en effet, ses publications, en particulier, reposent sur la mutualisation des vues d’un grand nombre de collaborateurs, qu’ils appartiennent à son équipe ou qu’ils soient indépendants. Publié en 1894, toujours chez Delagrave, Les abîmes ne compte pas moins de dix-sept photographes, qui ont confié leurs images à Martel pour son illustration[88] (fig. 13). De plus, l’introduction de ce livre présente quelques conseils sur la photographie souterraine écrits par Gaupillat[89], devenu membre du Photo-Club de Paris l’année précédente, sans pour autant y communiquer[90]. Selon le partage des tâches établi dans les années 1880, Martel signe quant à lui les plans et le texte de cet ouvrage. Extrêmement profus, il se caractérise par l’abondance et la diversité de ses descriptions et de ses perspectives d’explorations, qui reposent sur de nombreuses cartes et illustrations. Réalisées pour une grande part d’après des photographies souterraines, imprimées de plus grâce à des procédés de reproduction photomécanique, ces images sont alors au service des ambitions du livre : établir « l’organisation méthodique et raisonnée de l’étude des cavernes[91] » et, ce faisant, contribuer à la fondation en France d’une nouvelle discipline scientifique, la spéléologie[92].

Emprunté au préhistorien Émile Rivière[93], ce néologisme permet à Martel d’unifier les recherches qu’il multiplie à partir de 1888 dans les grottes, les abîmes, les rivières et les lacs souterrains, mais aussi dans les gorges et les cañons creusés par les eaux dans les sols calcaires, ceux de l’Hexagone puis de l’Europe entière. Le choix de ce terme lui sert à autonomiser une nouvelle branche des savoirs, dont les méthodes et les résultats participent en fait de nombreux domaines : hydrologie, géologie, géographie, zoologie, botanique, paléontologie, archéologie ou encore hygiène publique. Étant autodidacte en sciences, et par ailleurs toujours agréé au tribunal de commerce de la Seine, il se livre alors à une intense campagne de promotion des apports de ses découvertes auprès des scientifiques de profession. Lauréat du prix Gay de géographie physique, décerné par les membres de l’Académie des sciences en 1894[94], Les abîmes constitue une étape importante dans ce processus de légitimation. Elle soutient notamment la première concrétisation institutionnelle de la disciplinarisation engagée par Martel au milieu des années 1890, qui se cristallise dans la fondation de la Société de spéléologie en 1895.

Accompagnée de la création d’un bulletin (fig. 14) et d’une collection de Mémoires[95], la fondation de cette association est importante. Elle permet notamment à Martel de multiplier ses interventions au Congrès des sociétés savantes, auquel participe chaque année un grand nombre de scientifiques renommés. De façon remarquable, il y communique dans la sous-section de photographie, qui est comprise dans la section des sciences à cette période. En 1898 par exemple, en tant que « secrétaire général de la Société de spéléologie, [il y] expose sommairement, à l’aide d’une soixantaine de projections photographiques, les principaux résultats scientifiques de dix années d’explorations qu’il a effectuées, de 1888 à 1897, dans les gouffres, cavernes et rivières souterraines de la France et de l’Europe[96]. »

La création de la Société de spéléologie coïncide en fait avec un investissement plus direct de Martel dans les activités des associations photographiques de cette époque. Ceci nous indique à la fois l’importance conférée au médium dans le processus de disciplinarisation de la spéléologie dans les années 1890, mais aussi la nécessité d’obtenir l’approbation des photographes experts, eux-mêmes liés aux réseaux de sociabilité savante et seuls capables de légitimer les qualités techniques et scientifiques des vues produites lors de ses expéditions.

Pendant la seconde moitié des années 1890, Martel s’engage ainsi dans l’aventure du musée des Photographies documentaires, créé en 1894 par Léon Vidal (1833-1906). Lors de sa fondation, l’assemblée générale regroupe des représentants des principales sociétés artistiques et scientifiques de la capitale[97]. L’implication de Martel dans plusieurs de ces sociétés pourrait ainsi expliquer qu’il soit d’abord nommé membre du conseil juridique du musée au titre de sa profession[98], puis qu’il y fasse un don de quarante tirages en 1897[99].

Datées de 1891 à 1895, signées pour la plupart de son nom et légendées de sa main, ces épreuves sont saluées pour leur intérêt géographique global par Vidal à l’occasion de leur dépôt[100]. Celui-ci reste toutefois mutique sur ce qui constitue, à notre connaissance du moins, la première photographie au magnésium réalisée par Martel en 1895, non dans les conditions de l’exploration des boyaux et des cavités naturels dont il s’est fait une spécialité dans le cadre de la spéléologie, mais plutôt pendant une excursion dans des refuges souterrains aménagés par l’homme : ceux de Naours, dans la Somme (fig. 15). S’il faut se méfier des pratiques de signature de Martel lors de ses dépôts[101], les faibles qualités techniques de ces tirages, de même que leur sujet[102], permettent tout de même d’avancer avec assez de certitude qu’il en est l’auteur. Par conséquent, l’on peut affirmer qu’il pratique la photographie en amateur depuis 1891 au moins, et la photographie au magnésium depuis le mitan des années 1890. À cette période, cette pratique se limite toutefois aux souterrains artificiels, donc à des conditions de prises de vue plus aisées que celles découlant de ses explorations.

Aussi, durant la seconde moitié des années 1890, les illustrations des conférences et des publications que Martel tend à multiplier dans les réseaux photographiques sur les résultats de la spéléologie reposent toujours sur les prises de vue de ses camarades, bien qu’elles puissent être réalisées avec son aide ou sous sa direction[103]. Se constituant une collection de plaques de projections et de tirages d’après ces clichés, Martel les communique à titre gracieux, pour promouvoir ses découvertes. Il les envoie par exemple aux revues photographiques désireuses de publier ces images d’un genre nouveau[104], en les accompagnant de préconisations sur leur mise en page (fig. 16, 17 et 17’). Au cours des années 1890, il acquiert donc une expertise dans l’édition de photographies, à caractère géographique notamment, qui est reconnue par les photographes amateurs experts, comme par les cercles qu’ils animent et qu’ils connectent. En témoigne sa nomination au sein du comité chargé de la conception du grand ouvrage édité par le Touring-Club de France (TCF) à partir de 1900 : le fameux Sites et Monuments[105].

Destiné à célébrer le patrimoine architectural et paysager français par la photographie, cet ouvrage est conçu par une association fondée en 1890 pour développer le tourisme, en particulier sur le territoire hexagonal. Étant donné son programme, elle compte parmi ses membres de nombreux acteurs de la communauté photographique, à l’instar du CAF quelques années auparavant[106]. Au sein du comité chargé de la publication de Sites et Monuments, Martel côtoie donc quelques-unes des grandes figures de l’amateurisme photographique expert de cette période, tels Maurice Bucquet (1960-1921) et Constant Puyo (1857-1933). S’il avait déjà pu les fréquenter, par exemple lors des assemblées pour le musée des Photographies documentaires, un autre facteur a cette fois pu conforter sa nomination à leurs côtés : quand il s’agit de promouvoir ses expéditions spéléologiques, Martel ne se contente plus des images d’autrui, il utilise désormais ses propres photographies.

3. Un amateur opportuniste : Martel, photographe souterrain (1899-1927)

En 1900, Martel s’est donc engagé dans une pratique de la photographie souterraine étendue aux milieux naturels, ceux qu’il explore depuis la fin des années 1880. À l’échelle de ses travaux, cette pratique est toutefois très récente. Dans l’introduction de son traité, il avoue lui-même ne l’avoir débutée qu’en 1899[107]. Pour justifier cet engagement tardif, il liste les facteurs suivants : premièrement, la lente simplification de la photographie à la lumière du magnésium en conditions d’exploration sous la surface terrestre ; deuxièmement, son besoin de documents spécifiques pour la création d’un cours libre de géographie souterraine, qu’il entame à la Sorbonne en 1899 ; troisièmement, et enfin, la possibilité de s’entraîner facilement à Paris, à l’occasion d’une exposition sur le monde souterrain dont il codirige la réalisation sous le Palais du Trocadéro, en prévision de l’Exposition universelle. À ces raisons avouées, on doit aussi ajouter la vente de sa charge d’agréé au tribunal de commerce de la Seine, qui intervient cette même année[108]. Non pas que Martel cherche à vivre de ses photographies[109], quoiqu’il puisse en tirer ponctuellement un complément de revenus[110], mais bien plutôt parce que cette vacance lui permet de se consacrer entièrement à la disciplinarisation de la spéléologie, dans laquelle la médiatisation des images photographiques occupe une place croissante depuis 1890.

Si elle s’inscrit dans la stratégie de communication plurimédiatique mise en place au milieu des années 1880, on a vu que cette médiatisation s’épanouit durant la décennie suivante. En effet, cette période est à la fois fondatrice pour la spéléologie et décisive pour le choix d’en documenter les résultats par la photographie, car son potentiel médiatique profite d’un double phénomène : d’une part, l’amélioration des procédés de reproduction photomécanique, qui permettent désormais d’imprimer presque sans médiation et jusque dans le texte les photographies souterraines dans les livres comme dans les périodiques (fig. 16 et 18) ; d’autre part, le coup d’accélérateur donné à l’usage des projections photographiques, notamment dans le cadre de l’enseignement populaire. Créé en 1896 par le ministère de l’Instruction publique, le Service des projections lumineuses du Musée pédagogique contribue beaucoup à cette vogue[111]. Martel s’empresse d’ailleurs d’y participer, en concevant pour ses collections – dès 1898 – une série de diapositives accompagnée d’une notice sur la spéléologie[112]. Durant les années 1890, dans la propagande qu’il mène en faveur de la « science des cavernes », Martel confère donc un triple rôle aux photographies souterraines ; il tient à la fois de la démonstration scientifique, de la séduction par le spectacle de l’image et de la pédagogie « par l’aspect[113] ». Disposant désormais de tout son temps, préparant un cours du soir, bénéficiant d’un terrain d’expérimentations à proximité de son logis[114] et, enfin, des erreurs de ses prédécesseurs, l’entrée de Martel dans la pratique photographique souterraine en conditions d’exploration doit ainsi s’expliquer par le rôle de plus en plus central qu’il confère à ces images dans le processus de disciplinarisation de la spéléologie.

Quatre ans plus tard, il est donc en mesure de publier le premier traité sur cette pratique spécifique[115]. Sa publication marque alors l’apogée d’une campagne de légitimation des qualités techniques, documentaires et esthétiques de ses prises de vue, menée auprès des membres des sociétés photographiques de ce début de XX^e siècle. Comme rappelé en introduction, ces associations se voient en effet confortées, à mesure que la photographie devient une compétence partagée, dans leur rôle de distinction entre deux types de pratique amateur : l’expertise, qu’elles promeuvent, et l’usage, qu’elles ont tendance à dévaloriser. À cette période, ces sociétés comptent en outre de nombreux scientifiques de profession dans leurs rangs, dont certains sont très actifs[116]. La reconnaissance des apports scientifiques de la spéléologie étant désormais corrélée à celle des qualités de ses propres photographies, Martel s’emploie donc à convaincre les membres de ces réseaux de sociabilité de son expertise dans la maîtrise du procédé.

À ce titre, la collection dans laquelle paraît son traité est un signe de succès. En effet, Martel ne publie ni dans les « Annales photographiques », tout récemment fondées par Desforges[117], ni chez Charles Mendel, qui s’est fait une spécialité des éditions sur la photographie amateur à caractères ludique et artistique[118]. Bien plutôt, son ouvrage paraît dans la très sérieuse « Bibliothèque photographique », première collection à avoir été dédiée au médium en France. Elle a de plus été créée par l’éditeur historique de la communauté des photographes, Gauthier-Villars, dont les compétences sont aussi reconnues des scientifiques les plus illustres. En témoigne l’éloge publié dans les Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences au décès du patriarche de la maison[119], qui en avait poursuivi l’impression à la suite de Mallet-Bachelier[120]. Ce facteur a d’ailleurs pu faciliter la publication de son traité chez cet éditeur à Martel, car il a fait paraître plusieurs notes dans ce prestigieux périodique au cours des années 1880 et 1890[121].

Pour publier son ouvrage chez Gauthier-Villars, Martel a toutefois multiplié les communications sur ses techniques de photographie souterraine dans les réseaux des photographes experts, donc non seulement dans la sous-section de photographie au Congrès des sociétés savantes[122], mais également lors des réunions du Photo-Club de Paris[123] et de la SFP[124]. À l’occasion de cette dernière intervention, il fait don de la série de plaques de projection dont il s’est servi pour illustrer sa communication, afin qu’elle contribue à l’accroissement des collections de cette ancienne société savante. Bien que cet ensemble soit aujourd’hui absent des fonds de la SFP, une carte de visite de Davanne atteste de ce don[125], par lequel Martel se conforme aux ambitions patrimoniales et aux pratiques mutualistes mises en place par les membres de la société dès sa fondation, en 1854[126].

Malgré cela, au tout début du XX^e siècle, Martel est toujours identifié dans les associations photographiques comme le président de la Société de spéléologie[127], et généralement comme « l’explorateur bien connu des cavités souterraines[128] », non comme un photographe amateur. Cette identification en fait toutefois le spécialiste des milieux hypogéens, ce qui explique que ses interventions suscitent l’intérêt des photographes experts, en dépit du statut qu’ils lui confèrent. En effet, les travaux de Martel s’inscrivent dans l’engouement général pour la photographie à la lumière artificielle de cette période, qui s’exprime notamment dans la publication de manuels[129]. Couplé à la reconnaissance de son expertise dans l’exploration souterraine, cet engouement explique ainsi que ses publications et ses communications soient discutées lors des réunions[130] et dans les périodiques[131] des photographes experts. Ces deux facteurs peuvent de même justifier la rapidité avec laquelle Martel annonce la parution de son traité chez Gauthier-Villars, dont la mention intervient dès 1902 dans ses communications[132]. L’année suivante, son éditeur peut donc faire don de l’un des exemplaires de son ouvrage à la bibliothèque de la SFP[133], qui a l’honneur d’un petit compte rendu dans le Bulletin de l’association[134].

De 1899 à 1903, Martel a donc mené tambour battant une campagne de légitimation des qualités de ses photographies souterraines auprès des cercles autorisés, qui paraît avoir été couronnée de succès. Pourtant, certains signes dénotent le faible écho suscité par ses travaux au sein de ces réseaux, ainsi le petit nombre de comptes rendus circonstanciés, qui ne se limitent pas à la reprise sans commentaire de l’annonce de l’éditeur[135].

Pour expliquer ce phénomène, il faut alors comparer le contenu de son traité avec celui des travaux publiés à la même époque par d’autres photographes, qui se sont investis dans les recherches sur la photographie souterraine et, généralement, sur la photographie à la lumière artificielle. Dans les mêmes revues, parfois à quelques pages d’écarts, Albert Londe (1858-1917), chef du Service photographique de la Salpêtrière, fait par exemple paraître, autour de 1900, plusieurs études sur l’emploi du magnésium en photographie[136]. Mobilisant la chronophotographie pour analyser, à travers de multiples essais, la durée, l’intensité et les effets de la lumière émise par la combustion de ce métal, Londe cherche à déterminer les lois de son emploi quelles qu’en soient les conditions, au profit de tous les photographes désireux de réaliser des prises de vue dans l’obscurité (fig. 19). Ayant débuté ses recherches autour de 1890[137], il en publie une première synthèse chez le même éditeur que Martel en 1905, avant de faire paraître chez Doin, en 1914, une somme sur la photographie à la lumière artificielle[138]. Pour sa part, Joseph Vallot entame une série d’expérimentations sur la photographie souterraine à partir de 1889, pour laquelle il s’associe le concours de constructeurs d’appareils et d’ingénieurs des mines[139]. Son but est de déterminer les moyens de faire les meilleures photographies possibles quel que soit le type de terrain (caverne, mine, carrière, catacombe), c’est-à-dire essentiellement des photographies de grand format, qui puissent être tirées et tenir le mur lors des expositions et des salons que multiplient les associations photographiques, à partir des années 1890. Après de nombreux essais, Vallot peut donc préconiser l’emploi de négatifs de format 18 x 24 cm, même pour les grandes cavernes[140].

Dans son traité, Martel compile quant à lui des observations effectuées essentiellement dans un milieu particulier – les boyaux et les vastes cavités naturels –, dont la découverte et l’exploration sont sa spécialité depuis la fin des années 1880. Résultant d’une démarche empirique, ces observations le conduisent à édicter des règles assez strictes pour la pratique de la photographie souterraine. Dans son ouvrage, il défend par exemple l’emploi du magnésium pur ou encore celui d’une seule source lumineuse lors de la prise de vue, de façon à rendre avec justesse « l’impression de profondeur et de lointain si intense dans les cavernes[141] ». Privilégiant l’exploration spéléologique à celle des potentialités photographiques, il conseille également l’usage de négatifs d’un format aisé à transporter en expédition – 8 x 9 ou 9 x 12 cm –, couplé à l’emploi d’une très grande quantité de magnésium, donc à un allongement du temps de pose[142]. Pourtant, ces règles ne conviennent pas à tous les milieux. Ainsi, l’une des planches de son traité démontre les difficultés suscitées par ses préconisations, en particulier le risque de surexposition quand il s’agit de photographier de petits espaces souterrains, pour représenter par exemple les travaux d’ingénierie auxquels il propose d’appliquer ses techniques (fig. 20). Finalement, quoiqu’il s’adresse aux archéologues tout autant qu’aux explorateurs[143], les innovations qu’il  introduit dans son traité concernent principalement la photographie des grandes cavernes (fig. 21). C’est d’ailleurs ce qu’indique le compte rendu du BSFP, soulignant avec un certain dédain que l’objet de cet ouvrage se restreint finalement à l’obtention des « curieux paysages » découverts par Martel dans les « entrailles de la Terre »[144]. Les limites de ces innovations, uniquement valables dans des conditions exceptionnelles et, par conséquent, pour un minuscule nombre d’opérateurs, peuvent ainsi justifier le peu d’intérêt qu’elles finissent par susciter parmi les photographes experts.

Une autre caractéristique des apports du traité de Martel a toutefois pu contribuer à ce phénomène. Correspondant à une micro pratique, ils procèdent en outre de la répétition d’observations formulées à l’identique lors de ses précédentes communications. C’est ainsi que plusieurs paragraphes et photographies de son traité, dans lequel il se réclame pourtant de la réalisation d’un millier de clichés depuis 1899[145], ont été repris in extenso de la publication de sa conférence dans le BPCP en 1901[146], elle-même répétée l’année suivante lors de ses communications au Congrès des sociétés savantes et à la SFP, sans beaucoup de modifications si l’on en juge par les vues imprimées à cette occasion (fig. 22, à comparer avec la fig. 21).

Par contraste avec les travaux de Londe et de Vallot, les ambitions, les moyens et les résultats de Martel apparaissent donc non seulement restreints, mais surtout mus par des intérêts personnels. En effet, l’étude de ses images et de ses publications démontre qu’il ne cherche pas à cartographier l’ensemble des possibles de la photographie souterraine, et moins encore de la photographie à la lumière artificielle, au profit de tous les praticiens. Bien plutôt, son objectif est d’obtenir des images photographiques à la fois assez lisibles et assez spectaculaires pour appuyer ses démonstrations sur les apports scientifiques de la spéléologie, lors de ses conférences et dans ses publications. Ceci explique plusieurs de ses préconisations, en particulier l’éclairage unique et le petit format de ses négatifs. Enfin, le ressassement de ses consignes et de ses images trahit à la fois le faible nombre de photographies qu’il juge réussies pour ses démonstrations – donc la difficulté de cette pratique, pour lui du moins, au début du XX^e siècle encore –, mais aussi ses menées à l’égard du champ photographique. En présentant et en commentant de façon répétée les mêmes images triées sur le volet, Martel vise à faire reconnaître, par les acteurs animant les réseaux de la photographie amateur experte, les qualités scientifiques des prises de vue réalisées dans le cadre de ses expéditions spéléologiques.

Or, ce type de démarche individualiste contrevient fortement à la collégialité, au dévouement actif et à l’esprit mutualiste que ces acteurs revendiquent autour de 1900. Un excellent témoignage de cet esprit, comme de ses conséquences lorsqu’il n’est pas appliqué, est apporté par la différence de réception exprimée par les photographes experts à l’égard des travaux de Vallot, d’une part, et de ceux de Martel, d’autre part. Tous deux sont des scientifiques et des photographes amateurs. Cependant, lorsque Vallot obtient le Grand prix des sciences physiques, qui lui est décerné en 1897 par l’Académie des sciences pour ses recherches météorologiques, géologiques, zoologiques et botaniques, menées sur les plus hauts sommets des Alpes et des Pyrénées, ainsi que pour la construction à ses frais de l’Observatoire du Mont-Blanc[147], Léon Vidal, dans les pages du Moniteur de la photographie, félicite celui qui a activement participé à la classification des images collectées pour le musée des Photographies documentaires[148], mais qui a aussi communiqué aux photographes ses multiples résultats sur la photographie souterraine[149] ou sur l’application du médium à la géographie alpine[150], en des termes inusités pour Martel : « Notre savant confrère [Vallot] est trop connu dans le monde photographique pour que ce fait important [son Grand prix des sciences physiques] passe inaperçu : nous sommes l’écho du plus grand nombre de nos lecteurs en lui adressant les félicitations les plus sincères et les mieux méritées.[151] » Jamais les travaux, les résultats et les récompenses de Martel ne susciteront de tels commentaires dans les pages des revues photographiques, où il sera toujours considéré comme un explorateur, certes courageux et intrépide[152], mais non comme un photographe amateur expert, ni même vraiment comme un savant. Dès lors, le peu de réactions suscitées par la publication de son traité peut aussi s’expliquer par l’identification – par les photographes experts – de ce que l’on pourrait désormais qualifier d’amateurisme opportuniste de Martel.

Condamnant ses résultats à être ignorés, cette identification pourrait en outre éclairer la singularité que constitue, dans le cadre de sa démarche de reconnaissance, la non-affiliation à l’une de leurs associations. En effet, alors même que son cousin est membre du Photo-Club de Paris depuis 1893 – ce qui a d’ailleurs pu ouvrir les portes de ce cercle à Martel pour sa conférence de 1901 –, ce dernier n’émargera jamais à aucune société photographique. Ce phénomène est d’autant plus curieux qu’il connaît bien le fonctionnement et le rôle de ce type de réseau de sociabilité ; il y a non seulement souscrit dès la fin des années 1870 en se faisant coopter pour devenir membre de la Société de géographie, mais il y a aussi directement participé en créant sa propre société au milieu des années 1890. Certains membres des associations photographiques de l’époque, tel Joseph Vallot, appartiennent d’ailleurs à la Société de spéléologie, dans laquelle ils s’impliquent activement[153]. Compte tenu de la maîtrise des codes de la sociabilité savante par Martel, comme de l’intense promotion qu’il mène auprès des regroupements de photographes amateurs experts autour de 1900, il paraît peu probable qu’il n’ait pas cherché à y être intégré. En effet, cela aurait consisté à considérer que leurs capacités d’actions à l’égard de la légitimation de documents susceptibles de fonder une nouvelle discipline étaient trop faibles pour y valoir un investissement actif. Dans ce cas, pourquoi y consacrer autant de temps ? Pour expliquer cette singularité, l’une des hypothèses les plus probables nous paraît donc tenir à l’identification, par les principaux acteurs de la photographie amateur, de la nature opportuniste de l’engagement de Martel dans la pratique photographique. Cette identification aurait ainsi empêché son intégration dans leurs rangs, aucun d’entre eux n’ayant suggéré de coopter son adhésion, nécessaire à son intégration. Le fait de n’avoir jamais communiqué à la SEAP – société pourtant dédiée à la photographie hors du studio et dans laquelle Londe est très impliqué – pourrait aussi corroborer cette hypothèse : le spécialiste de l’éclair magnésique n’aurait pas jugé les travaux de Martel assez bons, non seulement en termes techniques mais aussi en termes éthiques, pour justifier une invitation.

Peu après avoir publié son traité, Martel se désintéresse d’ailleurs de leur formulation dans les cercles photographiques. À la suite d’une intense campagne de promotion de ses propres travaux de photographie souterraine en leur sein – qui n’aura finalement duré que de 1901 à 1903 –, son dernier article dans ces réseaux, paru deux ans plus tard dans l’Annuaire général et international de la photographie, s’ouvre ainsi sur des mots qui trahissent à la fois la volonté de parer aux attaques sur les méthodes et les apports de ses résultats[154], en situant notamment ses travaux dans une généalogie étendue et précisée, mais aussi un certain agacement :

La nécessité de documenter authentiquement les résultats géographiques et scientifiques des explorations souterraines auxquelles je me suis livré […] depuis 1888, dans les abîmes, cavernes et rivières englouties de France et d’Europe, m’a conduit, non pas à inventer quoi que ce soit en matière de photographie à la lumière artificielle, mais tout au moins à modifier certaines idées fausses, à corriger plusieurs erreurs de pratique, à simplifier divers procédés de cette technique tout à fait spéciale qui a occupé Bunsen, Roscoë, Smith, Esler, Londe, Nadar, Brichaut, Vallot, Fourtier, Gaupillat, Rupin, Renauld, Boissonnas, etc. 

À trois reprises déjà, j’ai exposé ce que le pur empirisme, dégagé de toute notion théorique, m’avait enseigné sur ce point. L’Annuaire général de photographie me demande une fois de plus de dire comment on peut commodément et sûrement photographier dans l’obscurité. Au prix de quelques redites j’accepte […] de résumer mes expériences sur la question […].[155]

L’on comprend ainsi que Martel disparaisse des sources photographiques jusqu’à son décès, à une exception près. En 1927, il donne une ultime conférence à la SFP[156], dans le contexte de l’ouverture au public de l’une de ses découvertes les plus prestigieuses – l’Aven Armand –, qui s’accompagne de l’inauguration d’une statue en son honneur. Cependant, les plaques de projection que Martel offre à la société à cette occasion témoignent de la permanence du ressassement (fig. 23), puisqu’elles sont tirées des mêmes négatifs qui ont servi à illustrer sa conférence de 1902, ainsi que la publication qui en a été réalisée dans le BSFP (fig.  22). Bien sûr, les clichés que reproduisent ces plaques ont un caractère historique, car ils ont été pris autour de 1899. Leur tirage positif sur plaques de verre en 1927 répond donc en partie aux enjeux patrimoniaux de la collection de la SFP. Martel a d’ailleurs pu choisir de réutiliser cette sélection pour remplacer la série donnée lors de sa première conférence à la société – peut-être déjà perdue[157] –, afin d’y laisser une trace de l’une de ses découvertes les plus célèbres, comme de ses premières tentatives de photographie spéléologique. Cependant, il annonce à cette période avoir réalisé plus de 15 000 négatifs depuis 1899[158]. Bien qu’ils n’aient pas tous été réalisés à l’Aven Armand, ils auraient néanmoins pu enrichir cette conférence, donnée pour un parterre de photographes experts. Ainsi, le choix du remploi d’un matériel visuel déjà prêt et déjà montré semble trahir une facilité de la part de Martel, et peut-être même une forme de dédain. Quoi qu’il en soit, cette décision éclaire rétrospectivement l’ambiguïté de son attitude à l’égard des réseaux de la photographie amateur experte autour de 1900, caractérisée par un engagement en demi-teintes et pour le moins intermittent. Elle souligne enfin, et de manière éclatante, l’opportunisme de la médiatisation qu’il y a conduit de ses techniques et de ses images photographiques, ainsi que de la socialisation de son amateurisme.

La double peine de l’explorateur

En retraçant pas à pas la trajectoire de Martel dans les réseaux photographiques entre les années 1880 et 1920, nous avons donc expliqué les raisons pour lesquelles le premier traité sur la photographie souterraine a été signé par un amateur qui, par contraste avec les experts identifiés par Clément Chéroux, apparaît comme un néophyte, alors même que son ouvrage est publié dans la « Bibliothèque photographique ». Ces raisons tiennent d’abord à la stratégie de communication plurimédiatique mise en place par Martel au milieu des années 1880, qui le conduit, dans les années 1890, à être reconnu par les photographes amateurs experts non seulement comme le spécialiste de l’exploration spéléologique, mais aussi comme un promoteur des usages et des perfectionnements de la photographie à la lumière artificielle, avant même de se confronter à sa pratique. Une fois celle-ci engagée, ses activités et ses images le distinguent de la catégorie des usagers. Cependant, l’analyse des mécanismes de la publication de son traité démontre qu’elle incite les amateurs experts à l’exclure de leur communauté, ce dont témoignent à la fois leur réception de ses travaux, comme sa non-affiliation à leurs associations. Cette analyse invite ainsi à déterminer un troisième type d’amateur dans le champ de la photographie autour de 1900, que caractérise l’opportunisme de son engagement.

Dès lors, une question se pose : d’autres noms peuvent-ils être associés à ce type, parmi ceux qui fleurissent en couverture des ouvrages et dans les pages des revues foisonnant dans le milieu photographique à cette période ? Pour le dire autrement, Martel constitue-t-il une exception ou permet-il de révéler une troisième catégorie d’amateurs photographes autour de 1900 ? Afin de répondre à cette question, il faudrait se pencher de façon plus panoramique que nous ne l’avons fait ici sur les liens noués entre amateurisme photographique et professionnalisation des sciences, notamment pendant la Belle Époque. En effet, la trajectoire de Martel dans les réseaux photographiques est corrélée à un processus de disciplinarisation d’une nouvelle branche des savoirs, elle-même adossée à une volonté de reconnaissance dans le domaine scientifique. Or, s’il est considéré tout au long de sa carrière comme un explorateur par les photographes amateurs experts, il en sera de même parmi les professionnels des sciences[159]. Étant donné les liens de ces deux groupes d’acteurs, l’identification de l’opportunisme de l’amateurisme de Martel par les photographes experts pourrait donc avoir infléchi la réception de ses travaux conduits sur la spéléologie par les scientifiques professionnels. Dans ce cas, il aurait donc subi une double peine, car il est mû par un puissant désir de légitimité dans le domaine des sciences[160]. Aussi, cette étude nous invite-t-elle à interroger les corrélations tissées, autour de 1900, entre les mutations du champ photographique, d’une part, et celles du champ scientifique de l’autre.

Généralement, elle nous engage à dépasser un questionnement internaliste pour envisager l’histoire des sciences, comme celle de la photographie. En effet, il n’est pas étonnant que le type d’amateurs proposé dans cet article ait pu échapper à Clément Chéroux, dont la très brillante analyse tient peu compte des usages de la photographie selon des intentions scientifiques. Dans sa conclusion, il évoque ainsi le résultat des tensions qui ont contribué à polariser le champ de la photographie amateur entre les deux catégories qu’il a identifiées, comme le ferment des « questions essentielles de la modernité photographique[161] ». Ces questions essentielles, ce sont « la défense de la valeur artistique de la photographie », les « premières formes modernes de reportage photographique », enfin « l’émergence d’une pédagogie photographique largement basée sur des expérimentations ludiques. » Or, la figure d’Édouard-Alfred Martel, mais aussi celles de Joseph Vallot ou de Lucien Rudaux (1874-1948)[162], nous invitent à reconsidérer les grilles d’analyse que nous appliquons à la photographie, empruntées de longue date à l’histoire de l’art et – quoique plus récemment – à celle de l’information. En délimitant une double figure d’amateur, qui est aussi doublement autodidacte et qui, en outre, ne rechigne pas à tirer ponctuellement des revenus de ses images photographiques, non plus que de ses découvertes et de ses résultats scientifiques[163], l’analyse de la trajectoire de Martel nous enjoint finalement à nous pencher plus sérieusement sur la fluidité et la complexité des pratiques, des postures et des identités professionnelles et amateurs, telles qu’on peut les observer à la croisée des champs photographique et scientifique autour de 1900. En élargissant la focale, il deviendra ainsi possible de mieux cerner ce qui se joue – encore aujourd’hui – dans cette hybridité, au regard de la légitimité des savoirs produits et diffusés.

Laureline Meizel

Institut pour la photographie

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, EA 4100-HiCSA

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[1] L’annonce de l’éditeur compile deux paragraphes de l’ouvrage (le premier, p. 1 et le deuxième, p. 4), dont le but est de souligner son apport principal : celui d’être le premier traité à fixer la pratique de la photographie souterraine. Voir par exemple « Bibliographie », Photo-Gazette (PG), 25/11/1902, vol. 13, n^o 1, p. IX : « Les principes et les applications de la Photographie souterraine ont été déjà savamment exposés par M. J. Vallot et M. H. Fourtier […], et je [Martel] ne me serais pas risqué à aborder de nouveau ce sujet, dont la théorie est en somme épuisée, s’il n’avait paru opportun de faire connaître les résultats plus complets, plus étendus surtout, auxquels on parvient maintenant dans la pratique. […] Je préfère rendre service aux archéologues et aux explorateurs en leur expliquant brièvement comment la Photographie souterraine, jusqu’à présent assez tâtonnante en somme, peut être dès maintenant à peu près mise au point et définitivement fixée. » Voir également « Bibliographie », Le Nord photographe (NP), 1903, vol. 10, n^o 8, p. 127-128 ; « Bibliographie », Bulletin du Photo-club de Pithiviers, 10/1903, vol. 1, n^o 2, p. 11.↲

[2] Au premier rang desquels le spéléologue, photographe et historien amateur Chris Howes, à qui l’on doit l’étude la plus poussée sur le sujet pour l’Europe et les États-Unis aux XIX^e et XX^e siècles. Chris Howes, To Photograph Darkness: The History of Underground and Flash Photography, Gloucester, Alan Sutton Publishing, 1989, p. 151. Sur ce carnet dédié à l’apport des amateurs en sciences, on ne peut que saluer l’immense travail fourni par ce professeur de biologie de Cardiff pour son ouvrage, qui se distingue par la rigueur de la méthodologie mise en place et l’extraordinaire compilation d’informations collectées pendant une dizaine d’années, à travers des collections dispersées autour du monde.↲

[3] Norbert Verdier, « Le libraire-imprimeur ès mathématiques Mallet-Bachelier (1811-1864) ou faire des lettres avec des mathématiques », Images des mathématiques. La recherche mathématique en mots et en images, CNRS, 2011, http://images.math.cnrs.fr/Le-libraire-imprimeur-es.html (consulté le 28/04/2021).↲

[4] François Arago, Rapport […] sur le daguerréotype, lu à la séance de la Chambre des députés, le 3 juillet 1839, et à l’Académie des sciences, séance du 19 août, Paris, Bachelier, 1839. Imprimeur de l’Observatoire de Paris, Bachelier, plus tard associé à Mallet, a déjà travaillé avec l’astronome. Voir par exemple François Arago, Des Comètes en général, et en particulier de celles qui doivent paraître en 1832 et 1835, 3^e éd., Paris, Bachelier, 1834. L’éditeur publie aussi les Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences (CRAS). La convergence de ces deux facteurs peut ainsi expliquer que le rapport d’Arago sur le daguerréotype paraisse à cette adresse.↲

[5] Sur Gauthier-Villars et l’édition photographique, voir Laureline Meizel, « Gauthier-Villars et l’édition photographique en France dans la seconde moitié du long XIX^e siècle », communication présentée lors de la journée d’étude L’Histoire de la photographie et ses sources textuelles : entre exemplarité et exemplification, Université de Liège, 2018, dont le PowerPoint est disponible sur : https://www.academia.edu/36547162/Gauthier_Villars_et_l%C3%A9dition_photographique_dans_la_seconde_moiti%C3%A9_du_long_XIXe_si%C3%A8cle_Universit%C3%A9_de_Li%C3%A8ge_27_avr_2018_ (consulté le 29/04/2021).↲

[6] Alphonse Davanne, La photographie : traité théorique et pratique, Paris, Gauthier-Villars, 1886-1888, 2 vol., « Bibliothèque photographique ».↲

[7] Joseph-Maria Eder, La photographie à la lumière du magnésium, Paris, Gauthier-Villars, 1890, « Bibliothèque photographique ».↲

[8] Édouard-Alfred Martel, La photographie souterraine, Paris, Gauthier-Villars, 1903, « Bibliothèque photographique », p. 3-4.↲

[9] Clément Chéroux, Vernaculaires. Essais d’histoire de la photographie, Cherbourg, Le Point du Jour, 2013, p. 80-97. L’essai dont il est question ici s’intitule « L’expert et l’usager : ubiquité de l’amateurisme photographique ». Il reproduit le chapitre paru sous le titre « Le jeu des amateurs. L’expert et l’usager (1880-1910) », dans André Gunthert et Michel Poivert (dir.), L’Art de la photographie des origines à nos jours, Paris, Éd. Citadelles & Mazenod, 2007, p. 255-275.↲

[10] Décernée en mars 2020 dans le cadre de son Programme de soutien à la recherche et à la création.↲

[11] Je tiens à remercier ici les équipes responsables des collections qui m’ont accueillie, en particulier Colette Morel à la SFP et Sylvie Aubenas, Corinne Le Bitouzé, Dominique Versavel et Jérôme Lacharmoise au département des Estampes et de la photographie de la BnF. J’exprime aussi toute ma reconnaissance à la famille Renouard, et notamment à Louis, pour m’avoir permis de faire des recherches au long cours dans les archives privées de Martel, où sont notamment conservés sa correspondance inédite, ses photographies, ses épreuves, ses ouvrages, divers papiers et sa bibliothèque, ainsi qu’une partie des archives de son beau-frère, le géologue, professeur à l’École des mines et académicien Louis de Launay (1860-1938).↲

[12] « Au risque de l’amateurisme ? Des usages de la photographie dans la disciplinarisation de la spéléologie (1888-1928) », communication présentée lors de la journée d’étude Il y a amateur et amateur : Amateurs photographes et amateurismes scientifiques (1850-1950), Le Mans Université, MSH (consulté le 01/05/2021). Je remercie aussi les participant.e.s à cette journée d’étude, dont les très riches remarques ont nourri l’écriture de ce texte.↲

[13] Pour leur relecture précieuse de ce long article, j’exprime toute ma gratitude à Carolin Görgen, Fedora Parkmann et Hadrien Viraben.↲

[14] Le BSFP, Le Moniteur de la photographie (MP) et L’Amateur photographe (AP).↲

[15] Voir notamment Sosthène Pector, « Bibliographie », BSFP, 2^e série, 1886, vol. 2, p. 27-28 ; 1887, vol. 3, p. 83-84 ; 1888, vol. 4, p. 305-307 ; 1891, vol. 7, p. 78-80 ; et Fleury-Hermagis et Rossignol, « Traité des excursions photographiques […] (suite). Appendice alphabétique ou dictionnaire de l’excursionniste (fin). », AP, 01/09/1889, vol. 5, n^o 17, p. 333-337.↲

[16] Voir Archives Nationales (AN), Dossiers de la Légion d’Honneur (LH), 19800035/0253/33686 (MARTEL, Édouard Alfred), f^o19.↲

[17] Avoué auprès du tribunal de première instance de Pontoise. Ibid., f°5.↲

[18] Jules Girard, « Actes de la Société. Extraits des procès-verbaux des séances. Séance du 17 octobre 1877 », Bulletin de la Société de géographie (BSG), 6^e série, 07/1877, vol. 14, p. 547.↲

[19] Plus ancienne Société de géographie au monde, fondée en 1821. Voir Laura Péaud, « Les premières sociétés de géographie (Paris, Berlin, Londres) », Terra Brasilis (Nova Série), 2015, n^o 5, http://journals.openedition.org/terrabrasilis/1394 (consulté le 01/05/2021) ; Laura Péaud, « Faire discipline : la géographie à la Société de Géographie de Paris entre 1800 et 1850 », Carnets de géographes, 2018, n^o 11, http://journals.openedition.org/cdg/1507 (consulté le 01/05/2021).↲

[20] Présenté par René Caillié et Maunoir, voir Jules Girard, « Actes de la Société. Extraits des procès-verbaux des séances. Séance du 6 juin 1879 » , BSG, 6^e série, 07/1879, vol. 18, p. 199.↲

[21] Dominique Lejeune, Les « Alpinistes » en France à la fin du XIX^e et au début du XX^e siècle (vers 1875-vers 1919). Étude d’histoire sociale, étude de mentalité, Paris, Éd. du CTHS, 1988. Voir également les travaux d’Olivier Hoibian, par exemple Olivier Hoibian (dir.), L’invention de l’alpinisme : la montagne et l’affirmation de la bourgeoisie cultivée, 1786-1914, Paris, Belin, 2008.↲

[22] Présenté par son père, membre du CAF depuis 1876, et le géographe, cartographe et peintre de paysages Franz Schrader, voir « Membres admis depuis le 15 mai 1883 », Bulletin du Club alpin français (BCAF), 06/1883, p. 221.↲

[23] Édouard-Alfred Martel, « Alpes autrichiennes ; Gross-Venediger, Gross-Glockner – Dachstein », ACAF, 1883, vol. 9, p. 222-248.↲

[24] Édouard-Alfred Martel, « Le cañon du Tarn », ACAF, 1884, vol. 10, p. 242-261.↲

[25] « Direction centrale », BCAF, 05/1885, p. 130.↲

[26] Édouard-Alfred Martel, « Auvergne et Cévennes (Gorges de la Sioule ; canton d’Ardes ; plan de Montpellier-le-Vieux) », ACAF, 1886, vol. 12, p. 213-235.↲

[27] Édouard-Alfred Martel, « Le Causse Noir et Montpellier-le-Vieux », ACAF, 1885, vol. 11, p. 263.↲

[28] Louis de Malafosse, « Montpellier-le-Vieux », Bulletin de la Société de géographie de Toulouse (BSGT), 1883, n^o 8, p. 330-331.↲

[29] Ibid., p. 337.↲

[30] Édouard-Alfred Martel, « Le Causse Noir et Montpellier-le-Vieux », op. cit., p. 263.↲

[31] Ibid., p. 264.↲

[32] L’Île mystérieuse, roman archétypal des processus d’exploration et de colonisation publié par Jules Verne en 1875, innerve, à bien des égards, les réalisations de Martel. Grand lecteur de Verne, il profite par exemple de l’expertise des graveurs des Voyages extraordinaires, qui travaillent parallèlement pour l’ACAF.↲

[33] Comme dans L’Île mystérieuse, il s’agit notamment d’explorer pour cartographier et, ce faisant, de nommer, ici la myriade de formations rocheuses qui compose Montpellier-le-Vieux, « ville fantastique, […] fruit d’un songe vagabond, une cité méritant le nom de Ville du Diable » (Louis de Malafosse, « Montpellier-le-Vieux », op. cit., p. 336).↲

[34] Martel s’inscrit ainsi dans les pas d’Alphonse Lequeutre, qui lui écrit dans une lettre datée du 30 août 1886 : « Ce n’est pas par Taylor, Lagrèze, O. Reclus etc. que j’ai eu l’idée d’aller voir les Gorges du Tarn. C’est par l’examen de la carte d’Etat Major. – Un jour en [18]79, j’avais regardé avec attention cette grande sabrure ; j’allais trouver Ad. Joanne et lui demandai [sic] s’il avait quelques renseignements. Non me dit-il. J’ai souvent été frappé aussi de cette coupure, j’y ai même envoyé plusieurs personnes qui l’ont traversée, O. Reclus, Moyzen, mais je n’ai eu rien ou presque rien. Voulez-vous y aller pour le guide Cévennes. Certes lui dis-je et en 7^bre [septembre] j’y étais. Ce n’est que plus tard à mon retour que je recherchai [sic] les précédents et que je lus Taylor et Lagrèze Fossat. » Billet d’Alphonse Lequeutre à Édouard-Alfred Martel, transcrit dans La plume et les gouffres : correspondance d’Édouard-Alfred Martel, de 1868 à 1936, Meyrueis, Association Édouard-Alfred Martel, 1997, p. 78.↲

[35] Édouard-Alfred Martel, « Le Causse Noir et Montpellier-le-Vieux », op. cit., p. 263-264 : « Par la meilleure des fortunes, dont les lecteurs pourront apprécier les heureuses conséquences en admirant les gravures ci-jointes, M. Chabanon, notaire à Ganges, avait bien voulu m’accompagner ; grâce à son talent de photographe savant, à son goût parfait de véritable artiste et surtout à sa gracieuse obligeance, le Club alpin français a déjà pu, dans l’Annuaire de 1883 [paru en 1884], publier les premières bonnes et fidèles images des gorges du Tarn. Dans celui-ci, ce sont les féeries du Causse Noir que M. Chabanon nous permet de reproduire ; je tiens à lui en faire publiquement mes remerciements ; je ne crois même pas trop m’avancer en lui exprimant la reconnaissance du Club entier pour le concours efficace et généreux avec lequel il nous aide à révéler les sixième et septième merveilles naturelles de la France [c’est-à-dire les gorges du Tarn et Montpellier-le-Vieux]. »↲

[36] Fondée en 1875. Voir l’Annuaire des sociétés savantes édité par le CTHS : http://cths.fr/an/societe.php?id=100366 (consulté le 01/05/2021).↲

[37] Ibid. : http://cths.fr/an/societe.php?id=1372 (consulté le 01/05/2021).↲

[38] Édouard-Alfred Martel, « Chronique du Club Alpin Français. Direction centrale. Rapport annuel », ACAF, 1886, vol. 12, p. 595 : « La multiplication des routes et des abris dans la montagne encourage tout naturellement les excursions individuelles : les énumérer toutes serait faire la table des matières de l’Annuaire et du Bulletin ainsi que des Bulletins de Sections. Il faut citer cependant […] la suite de l’exploration topographique et photographique de Montpellier-le-Vieux par MM. Martel, Trutat et C. Julien. »↲

[39] François Bordes et Marie-Dominique Labails (dir.), Eugène Trutat : savant et photographe, Toulouse, Éd. du Muséum de Toulouse, 2011.↲

[40] « Casimir Julien (1827-1905) », notice dans Hervé Lestang, Portraitsépia, 2021, http://portraitsepia.fr/photographes/julien-2/ (consulté le 01/05/2021).↲

[41] Ainsi que le qualifie Léon Vidal en parlant de ses illustrations photographiques pour une monographie de Malafosse sur les gorges du Tarn, qui valent à Chabanon une médaille de vermeil à l’Exposition géographique de Toulouse en 1884. Léon Vidal, « Revue de la quinzaine », MP, 01/11/1884, vol. 23, n^o 21, p. 161-162.↲

[42] « Offert à la Société de Géographie par E.-A. Martel 1887. Les photographies des gorges du Tarn (1 à 14) ont été faites en 1883 par M^r Chabanon (de Ganges) – celles de St Michel, Montpellier le Vieux, St Véran et Bramabiau en 1884 par M^rs Chabanon et E.-A. Martel », dédicace de Martel dans Hubert Chabanon et Édouard-Alfred Martel, Album de 40 planches de photographies réalisées en 1883 et 1884, donné par Martel à la Société de géographie le 2 décembre 1887, Paris, BnF, SG WC-239.↲

[43] Voir la note 35.↲

[44] Édouard-Alfred Martel, « Auvergne et Cévennes (Gorges de la Sioule ; canton d’Ardes ; plan de Montpellier-le-Vieux) », op. cit., p. 214-215.↲

[45] Pour certains dons de photographies souterraines notamment, par exemple celles de la Cueva del Drach à Majorque (Îles Baléares), réalisées selon Martel en collaboration avec l’abbé Moragues en septembre 1896 (Édouard-Alfred Martel, La photographie souterraine, op. cit., p. 36) et dont on retrouve certaines, mais signées uniquement de sa main, dans un don qu’il effectue à la Société de géographie cette même année ([40 phot. par Édouard-Alfred Martel en 1896 : Aquileja près Trieste, Foiba de Pisino (Istrie), Majorque], Paris, BnF, SG WC-412).↲

[46] Laureline Meizel, « D’une absence : la France cyclotouriste dans les livres illustrés de photographies à la fin du XIX^e siècle », dans Philippe Antoine, Danièle Méaux et Jean-Pierre Montier (dir.), La France en albums (XIX^e-XXI^e siècles), Paris, Hermann, 2017, p. 119-131, ici p. 126.↲

[47] Élisabeth Parinet, « Les bibliothèques de gare, un nouveau réseau pour le livre », Romantisme, 1993, n^o 80, p. 95-106.↲

[48] Hélène Morlier, « Les Guides Joanne : invention d’une collection », In Situ, 2011, n^o 15, http://journals.openedition.org/insitu/524 (consulté le 01/05/2021).↲

[49] Pierrette Chapelle, La fabrique d’une revue de voyages illustrée (1860-1914) : Le Tour du monde, Paris, Classiques Garnier, 2019 ; et, sur ce carnet, Pierre Guivaudon, « La photographie dans les voyages. Redéfinitions de l’amateurisme photographique au prisme de la figure de l’explorateur dans le dernier tiers du XIX^e siècle, autour des chroniques de Frédéric Dillaye », communication présentée lors de la journée d’étude Il y a amateur et amateur : Amateurs photographes et amateurismes scientifiques (1850-1950), Le Mans Université, MSH, octobre 2020, https://ams.hypotheses.org/1833 (consulté le 01/05/2021).↲

[50] Laureline Meizel, « De la “direction des hommes de goût” : Les éditeurs français face à la photographie (1874-1896) », Revue française d’histoire du livre, 2016, n^o 136-2015, p. 167-191, en part. la note 53.↲

[51] « Assemblée générale de la Société. Procès-Verbal de la séance du 4 juin 1880 », BSFP, 1880, vol. 26, n^o 6, p. 148.↲

[52] « Assemblée générale de la Société. Procès-Verbal de la séance du 5 mars 1880 », BSFP, 1880, vol. 26, n^o 3, p. 62.↲

[53] Voir la note 15.↲

[54] Léon Vidal, « Revue de la quinzaine », MP, 15/05/1886, vol. 25, n^o 10, p. 73 : « Nous regrettons que, par suite du coût trop élevé des divers tirages photographiques, M. Martel n’ait pu joindre à ses descriptions si complètes, si vivantes, les reflets eux-mêmes des vues reproduites, au lieu de s’en rapporter à l’interprétation fortement incomplète du graveur. »↲

[55] « Chronique », AP, 13/02/1886, vol. 2, p. 572-573.↲

[56] Léon Vidal, « Revue de la quinzaine », MP, 15/05/1886, op. cit., p. 73.↲

[57] Édouard-Alfred Martel, « Sous terre (Exploration des eaux intérieures et cavernes des Causses, traversée souterraine de Bramabiau ; tentatives par les basses sources ; tentatives par les avens et les grottes ; considérations géologiques ; le Vase de Sèvres et la promenade des Corniches) », ACAF, 1889, vol. 15, p. 238-294. Sur les liens originels de l’alpinisme et de la spéléologie, voir Jacques Malbos, « La spéléologie : un alpinisme à rebours », Dynamiques environnementales, 2018, n^o41, p. 136-153, https://journals.openedition.org/dynenviron/1541 (consulté le 01/05/2021).↲

[58] Édouard-Alfred Martel, « Sous terre », op. cit., p. 243.↲

[59] Joseph-Maria Eder, La photographie à la lumière du magnésium, op. cit., p. 1-5.↲

[60] Édouard-Alfred Martel, « Sous terre », op. cit., p. 250.↲

[61] Joseph-Maria Eder, La photographie à la lumière du magnésium, op. cit., p. V-VI.↲

[62] Fleury-Hermagis et Rossignol, « Traité des excursions photographiques […] (suite). Appendice alphabétique ou dictionnaire de l’excursionniste (fin). », op. cit. Reproduit dans la notice « Voyages (la photographie et les) » du chapitre VII « Appendice alphabétique » de Fleury-Hermagis et Rossignol, Traité des excursions photographiques, Paris, Rongier, 1889, p. 457-463.↲

[63] Édouard-Alfred Martel, « Sous terre », op. cit., p. 258-259 ; et Fleury-Hermagis et Rossignol, « Traité des excursions photographiques […] (suite). Appendice alphabétique ou dictionnaire de l’excursionniste (fin). », op. cit., p. 335.↲

[64] Fleury-Hermagis et Rossignol, « Traité des excursions photographiques […] (suite). Appendice alphabétique ou dictionnaire de l’excursionniste (fin). », op. cit., p. 335.↲

[65] Ibid.↲

[66] Voir la note 35.↲

[67] Édouard-Alfred Martel, « Sous terre : deuxième campagne. Exploration des avens des Causses », ACAF, 1890, vol. 16, p. 100.↲

[68] Ibid.↲

[69] Édouard-Alfred Martel, « Sous terre », op. cit., p. 247.↲

[70] Édouard-Alfred Martel, « Sous terre : deuxième campagne. Exploration des avens des Causses », op. cit., p. 115.↲

[71] Édouard-Alfred Martel, Les Cévennes et la région des causses (Lozère, Aveyron, Hérault, Gard, Ardèche), Paris, C. Delagrave, 1890.↲

[72] Voir les notices n^os 5081 et 5082 dans Marc Durand (dir.), De l’image fixe à l’image animée : 1820-1910 : actes des notaires de Paris pour servir à l’histoire des photographes et de la photographie, Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales, 2015, p. 1206.↲

[73] Annonce de la parution des Cévennes de quatre pages, supplément au BCAF, 11/1889, n^o 8, insérée dans l’album de 40 planches de photographies réalisées en 1883 et 1884, donné par Martel à la Société de géographie le 2 décembre 1887, Paris, BnF, SG, WC-239.↲

[74] Isabelle Surun, « Les figures de l’explorateur dans la presse du XIX^e siècle », Le Temps des médias, 2007, n^o 8, p. 57-74, https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2007-1-page-57.htm (consulté le 01/05/2021).↲

[75] Joseph Vallot, « Photographie instantanée des grottes et des cavernes », BSFP, 2^e série, 1890, vol. 6, n^o 8, p. 240.↲

[76] La gravure de l’ACAF (ici fig. 7), exécutée d’après le croquis de Rivière, redessiné par Vuillier, et publiée en 1889, se trouve p. 161 dans Les Cévennes, deux pages après la photographie de Gaupillat. Sa légende est toutefois modifiée par rapport à celle de l’Annuaire, puisqu’elle indique : « Salle de l’Église : l’Autel. Dessin de Vuillier, d’après un croquis de Th. Rivière. (Communiqué par le Club alpin). » Il y a là une modification dont je n’arrive pas encore à juger de la pertinence, puisque, dans l’ACAF, Martel s’y réfère explicitement comme à une représentation du Clocher, sa description – comme sa légende – correspondant bien à l’illustration d’après Rivière : « […] en vrai coup de théâtre, la stalagmite du Clocher (voir la gravure) s’offrait à l’œil humain pour la première fois et dans toute sa virginité, haute de 20 mèt., élégante, ciselée à jour comme la flèche terminale de Strasbourg, et majestueusement isolée au fond du cadre grandiose d’une salle haute de 30 mèt. et longue de 40 ; l’éclat de la lumière électrique faisait briller comme un pur diamant la svelte et fière pyramide dont aucune torche ou bougie n’avait encore terni la scintillante blancheur, dont aucun marteau ou doigt profane n’avait jusqu’ici détruit un seul clocheton ni déchiré la plus délicate dentelle. » Édouard-Alfred Martel, « Sous terre », op. cit., p. 276.↲

[77] « Membres admis jusqu’au 15 mai 1884. Section de Paris (20 membres). », BCAF, 05/1884, p. 149.↲

[78] « Assemblée générale de la Société. Procès-verbal de la séance du 1^er juillet 1887 », BSFP, 2^e  série, 1887, vol. 3, n^o 7,p. 169.↲

[79] Ils citent tous deux l’exemple de Martel, « l’intrépide explorateur des grottes de la Lozère », dans le récit de cette première campagne. Voir Gabrielle Vallot, « Grottes et abîmes (Basses-Cévennes) », ACAF, 1890, vol. 16, p. 145-169, ici p. 145.↲

[80] Ibid.↲

[81] Joseph Vallot, « Photographie instantanée des grottes et des cavernes », op. cit.↲

[82] Ibid., p. 240.↲

[83] Voir notamment le chapitre VIII de Hyacinthe Fourtier, Les lumières artificielles en photographie : étude méthodique et pratique des différentes sources artificielles de lumière, suivie de recherches inédites sur la puissance des photopoudres et des lampes au magnésium, Paris, Gauthier-Villars et fils, 1895, « Bibliothèque photographique », p. 53-73.↲

[84] Nom donné par Martel au côté sportif de l’exploration souterraine, lorsqu’il promeut sa première campagne hypogéenne dans l’Annuaire du Club alpin français : « La Höhlenkunde (étude des grottes), la Höhlenforschung (exploration des grottes), la grottologie (si l’on veut bien me permettre ce barbarisme seul capable de traduire le vocable allemand), est déjà presque organisée en Autriche par les Clubs Alpin Allemand-Autrichien et des Touristes Autrichiens. […] Pittoresque, difficultés et dangers se marient sous terre comme sur les monts, et c’est pourquoi l’on peut bien dire que le grottisme (côté sportif de la grottologie) est le verso (je ne veux dire ni l’envers ni le revers) de l’alpinisme et le nouveau champ concédé aux amateurs d’inconnu. » Édouard-Alfred Martel, « Sous terre », op. cit., p. 239-241.↲

[85] Clément Chéroux, Vernaculaires, op. cit., p. 87 et suivantes.↲

[86] Georges Balagny, « Photographie instantanée d’une explosion aux carrières de gypse de Volambert. Le jeudi 21 avril 1887 », MP, 01/05/1887, vol. 26, n^o 9, p. 70-71. Sur l’histoire de cette société, voir Xavier Martel, « La photographie excursionniste en France, 1887–1914. Définition d’une pratique et d’une esthétique à travers la postérité des théories du paysage », mémoire de maîtrise, Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 1996 ; et Garance Chabert, Julie Jones et Carole Troufléau-Sandrin, La République des amateurs : les amateurs photographes autour de 1900 dans les collections de la Société française de photographie, cat. exp., Paris, Éd. du Jeu de Paume, 2011.↲

[87] Félix Régnault, « La photographie dans les grottes des Pyrénées », PG, 1895-1896, vol. 6, p. 127.↲

[88] É.-A. Martel, Les Abîmes, les eaux souterraines, les cavernes, les sources, la spélæologie, explorations souterraines effectuées de 1888 à 1893 en France, Belgique, Autriche et Grèce […], Paris, C. Delagrave, 1894.↲

[89] Ibid., p. 28-30.↲

[90] « Procès-verbaux de séances. Séance du mercredi 8 mars 1893 », Bulletin du Photo-Club de Paris (BPCP), 1893, vol. 3, p. 130.↲

[91] Édouard-Alfred Martel, Les abîmes, op. cit., p. 1.↲

[92] Orthographié « spélæologie » en 1894, le mot prendra la graphie qu’on lui connaît dès 1895. Sur la reconnaissance par Martel de l’antécédence des Autrichiens dans la définition de cette discipline, voir la note 84. À ce sujet, voir les travaux de Johannes Mattes, par exemple Johannes Mattes, « Speläologie – eine Brücke zwischen den Kulturen des Wissens », dans Dietmar Kuffner et Johannes Mattes (dir.), Höh(l)enluft und Wissensraum. Die Gassel-Tropfsteinhöhle im Salzkammergut zwischen Alltagskultur, Naturkunde und wissenschaftlicher Forschung, Linz, Oberösterreichisches Landesmuseum, 2018, p. 261-267, ici p. 262.↲

[93] Édouard-Alfred Martel, Les abîmes, op. cit., p. 1. Sur l’histoire culturelle de la spéléologie en France, dans laquelle, curieusement, l’histoire de la photographie souterraine n’est pas pensée, voir Pierre-Olaf Schut, L’exploration souterraine : une histoire culturelle de la spéléologie, Paris, l’Harmattan, 2007.↲

[94] Édouard-Alfred Martel, Notice sur les travaux scientifiques de M. Édouard-Alfred Martel, Paris, Masson, 1911, p. 4.↲

[95] Spelunca : bulletin de la Société de spéléologie, Paris, Société de spéléologie, 1895-1913 et Mémoires de la Société de spéléologie, Paris, Société de spéléologie, 1896-1900, fusionnés avec le Bulletin en 1901.↲

[96]« Variétés. XXXVII^e Congrès des sociétés savantes de Paris et des départements, à la Sorbonne (Suite et fin) », BSFP, 2^e série, 1898, vol. 14, n^o 17, p. 425. Dans le BPCP, Charles Gravier précise que Martel, « par un très grand nombre de projections photographiques, […] a montré l’utilité générale de ses travaux. Le courage, l’énergie et la persévérance de l’explorateur ont été soulignés, par l’auditoire, par de nombreux applaudissements. » Charles Gravier, « Congrès des sociétés savantes. Session de 1898. Section des sciences. », BPCP, 1898, vol. 8, p. 311.↲

[97] Parmi ces sociétés, on compte notamment l’Association française pour l’avancement des sciences, la Société entomologique de France, le CAF, la Société de topographie de France, la Société zoologique de France, la Société de géographie, ou bien encore la Société astronomique de France. Léon Vidal, « Chronique », MP, 2^e série, 1894, vol. 1, n^o 5, p. 65. Sur ce musée, voir Éléonore Challine, Une histoire contrariée : le musée de photographie en France (1839-1945), Paris, Macula, 2017, p. 118-171.↲

[98] Roger Aubry (dir.), Annuaire général et international de la photographie, Paris, Plon, 1905, p. 554 ; et Xavier Martel, « La photographie excursionniste en France, 1887–1914 », op. cit., p. 79.↲

[99] Aujourd’hui conservés sous la cote EO-308-BOITE FOL B, au département des Estampes et de la photographie de la BnF.↲

[100] Léon Vidal, « Chronique », MP, 2^e série, 1897, vol. 4, p. 17.↲

[101] Voir les notes 42 et 45.↲

[102] Par exemple les « Sources de la Buna près Mostar (Herzégovine) » et la « Source de l’Ombla à Raguse (Dalmatie) », toutes deux datées d’octobre 1893, ou encore les « Fern-Cave Falaises de Larry-Bane près la Chaussée des Géants (Irlande) », datée de juillet 1895.↲

[103] Édouard-Alfred Martel, La photographie souterraine, op. cit., p. 36.↲

[104] Georges Mareschal, « Notre illustration », PG, 25/12/1898, vol. 9, p. 37-38.↲

[105] Georges Mareschal, « Échos et nouvelles », PG, 25/04/1900, vol. 10, p. 119. Sur les liens du TCF et des réseaux photographiques, voir Xavier Martel, « L’iconographie touristique comme propagande géopolitique en temps de paix. Un exemple, le Touring Club de France. Une publication, Sites et Monuments », mémoire de DEA, Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 1998 ; et Laureline Meizel, « D’une absence », op. cit.↲

[106] Cette histoire de la photographie amateur en France autour de 1900, esquissée par Xavier Martel dans les deux mémoires cités en notes 86 et 105, ainsi que par le catalogue de l’exposition La République des amateurs (op. cit. en note 86), mériterait d’être mise en relation de façon plus étroite avec celles retracées pour d’autres pays ou d’autres régions du monde, en particulier pour l’Angleterre par Elizabeth Edwards, The camera as historian : amateur photographers and historical imagination, 1885-1918, Durham (N.C.), Duke University press, 2012 ; pour l’Allemagne par Christian Joschke, Les yeux de la nation : photographie amateur et société dans l’Allemagne de Guillaume II, 1888-1914, Dijon, les Presses du réel, 2013 ; pour l’Ouest américain par Carolin Görgen, « “San Francisco on a thousand plates”: New perspectives on photo-historical research around 1900 through the lens of the California Camera Club », Interfaces – Image Text Language, 2019, n^o 41, p. 7-24 ; ou encore pour les Pays-Bas par Mattie Boom, Everyone a Photographer: The Rise of Amateur Photography in the Netherlands, 1880-1940, cat. exp., Amsterdam et Rotterdam, Rijksmuseum et NAI Publishers, 2019.↲

[107] Édouard-Alfred Martel, La photographie souterraine, op. cit., p. 3-4.↲

[108] AN, Dossiers de la LH, 19800035/0253/33686 (MARTEL, Édouard Alfred), f^o19.↲

[109] Ainsi, il ne sera jamais inscrit en tant que photographe à l’Annuaire-almanach du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration édité par Didot-Bottin.↲

[110] Voir notamment les lettres à Martel de l’imprimeur-photographe Baudel en 1901 et 1902 (La plume et les gouffres, op. cit., p. 193-194 et p. 198), qui concernent l’impression et la diffusion commerciale de cartes postales d’après ses vues de Padirac, site découvert par Martel en 1889 et ouvert aux touristes en 1899, sur l’exploitation duquel il touche une part.↲

[111] Armelle Sentilhes, « L’audio-visuel au service de l’enseignement : projections lumineuses et cinéma scolaire, 1880-1940 », La Gazette des archives, 1996, n^o 173, p. 165-182, ici p. 165-172, https://www.persee.fr/doc/gazar_0016-5522_1996_num_173_1_3400 (consulté le 01/05/2021).↲

[112] Édouard-Alfred Martel, La Spéléologie, ou science des cavernes, Melun, Impr. administrative, 1898.↲

[113] Armelle Sentilhes, « L’audio-visuel au service de l’enseignement », op. cit., p. 169.↲

[114] Voir le tampon de la fig. 17’.↲

[115] Édouard-Alfred Martel, La photographie souterraine, op. cit.↲

[116] Voir le billet d’Alice Aigrain sur ce carnet : Alice Aigrain, « Photosensible. Jules Janssen et les sociétés photographiques amateurs », billet tiré de la communication présentée lors de la journée d’étude Il y a amateur et amateur : Amateurs photographes et amateurismes scientifiques (1850-1950), Le Mans Université, MSH, octobre 2020, https://ams.hypotheses.org/1796 (consulté le 01/05/2021).↲

[117] Publiée de 1896 à 1913. Sur les collections dédiées à la photographie à la fin du XIX^e siècle, voir Laureline Meizel, « Inventer le livre illustré par la photographie en France : 1867-1897 », thèse de doctorat, Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2017, vol. 2, p. 877-881.↲

[118] Lucie Goujard, « L’Illustration des œuvres littéraires par la “photographie d’après nature” en France. Une expérience fondatrice d’édition photographique (1890-1912) », thèse de doctorat, Lille, Université de Lille 3, 2005, 2 vol.↲

[119] Accordé à Jean-Albert Gauthier-Villars en 1898, cet honneur témoigne de la reconnaissance de ses compétences dans l’édition scientifique la plus pointue, car il est rare pour un collaborateur n’appartenant pas directement au cénacle des académiciens. Voir « Séance du lundi 7 février 1898. Présidence de M. Wolf. Mémoires et communications des membres et des correspondants de l’Académie. », CRAS, 01/1898, vol. 126, p. 453-454.↲

[120] Voir la note 4.↲

[121] Par exemple [Édouard-Alfred Martel], « Physique du globe. – Sur de nouvelles observations dans le gouffre de Padirac (Lot). Note de M. É.-A. Martel, présentée par M. Daubrée », CRAS, 07/1895, vol. 121, p. 576-578.↲

[122] Sur la « photographie dans l’obscurité » : « Congrès des sociétés savantes », BSFP, 2^e série, 1902, vol. 18, n^o 13, p. 332-334 et Charles Gravier, « Congrès des sociétés savantes. Session de 1902 », BPCP, 1902, vol. 12, p. 190-191.↲

[123] « Procès-verbal de séances. Séance du mercredi 13 mars 1901 » et Édouard-Alfred Martel, « La photographie souterraine », BPCP, 1901, vol. 11, p. 170 et p. 255-267.↲

[124] « Variétés. Séance intime du 16 mai 1902 », BSFP, 2^e série, 1902, vol. 18, n^o 16, p. 404-406.↲

[125] Conservée dans la correspondance dépouillée dans les archives privées de Martel, cette carte de visite est, de façon remarquable, le seul témoignage direct de ses échanges avec les membres de la communauté des photographes amateurs experts que j’ai pu retrouver (Carte de visite avec autographe daté et manuscrit de Davanne, dans un album d’autographes étiqueté de la main de Martel [« Cartes visites – Autographes – Signés ou non »], coll. Martel-Renouard).↲

[126] André Gunthert, « L’autorité du photographique. Naissance de la Société française de photographie », dans L’Utopie photographique. Regard sur la collection de la Société française de photographie, Cherbourg, Le Point du jour, 2004, p. 13-22.↲

[127] Par exemple dans « Congrès des sociétés savantes », BSFP, op. cit., p. 332.↲

[128] Albert Reyner, L’année photographique, Paris, Charles Mendel, 1901, p. 313.↲

[129] Voir par exemple Hyacinthe Fourtier, Les lumières artificielles en photographie, op. cit. ; et Auguste-Pierre Petit fils, La photographie simplifiée et la lumière artificielle, Paris, Gauthier-Villars, 1903, « Bibliothèque photographique ».↲

[130] « Union nationale des sociétés photographiques de France. Session de Toulouse du 25 au 31 mai 1901, sous la direction de la Société photographique de Toulouse. Deuxième séance. Samedi 25 mai à 4h30 du soir. Présidence de M. M. Bucquet, premier Vice-Président », BSFP, 2^e série, 1901, vol. 17, n^o 21, p. 481.↲

[131] Albert Reyner, L’année photographique, op. cit., p. 312-319.↲

[132] « Congrès des sociétés savantes », BSFP, op. cit., p. 333-334.↲

[133] « Procès-verbaux et rapports. Société française de Photographie », BSFP, 2^e série, 1903, vol. 19, n^o 14, p. 339.↲

[134] Ed. G., « Bibliographie. Analyses et comptes rendus d’ouvrages / E.-A. Martel, La photographie souterraine. Paris, Gauthier-Villars, 1903. », BSFP, 2^e série, 1903, vol. 19, n^o 18, p. 431.↲

[135] La plupart des comptes rendus publiés dans les revues photographiques reprennent en effet l’annonce de l’éditeur (voir la note 1). Nombreux, ils nous indiquent que Gauthier-Villars a pourtant parfaitement complété sa part du contrat d’éditeur, à l’égard de la diffusion de la publication. Trois d’entre eux, dont un parus en Angleterre, sont toutefois plus circonstanciés : le premier dans le BSFP (voir la note ci-dessus), le second dans La Revue de Photographie (RP, 15/08/1903, p. 320), le troisième, enfin, dans le Photographic Journal de janvier 1904 (p. 17, signé J. W.). En réalité, seul ce dernier insiste sur le caractère inédit du contenu du traité de Martel : « We know of no book in English treating on this subject [la photographie souterraine], and can therefore recommand it to those engaged in such work and interested in the matter. ». Je remercie Julien Faure-Conorton de m’avoir signalé cette dernière référence.↲

[136] Voir par exemple Albert Londe, « Contribution à l’étude de l’éclair magnésique. Analyse de l’éclair. Photographie instantanée et chronophotographie pendant la durée de l’éclair. (Communication faite à la séance du 6 juin 1902). », BSFP, 2^e série, 1902, vol. 18, n^o 18, p. 425-439.↲

[137] Georges Carré, « Les lumières artificielles en Photographie », Journal de l’industrie photographique, 07/1891, vol. 12, n^o 7, p. 97-103, ici p. 101-102.↲

[138] Albert Londe, La photographie à l’éclair magnésique, Paris, Gauthier-Villars, 1905, « Bibliothèque photographique » ; et Albert Londe, La photographie à la lumière artificielle, Paris, O. Doin et fils, 1914, « Bibliothèque de photographie ».↲

[139] Joseph Vallot, « Photographie souterraine. Grottes, carrières et catacombes », Annuaire général et international de la photographie, Paris, Plon, 1893, p. 506-512.↲

[140] Ibid., p. 518 et 521.↲

[141] Édouard-Alfred Martel, La photographie souterraine, op. cit., p. 32-33.↲

[142] Ibid., p. 41-42 (5 à 20 g de magnésium pur selon la distance, pour autant de secondes de pose, contre 2 à 4 g pour Vallot). Voir surtout le récapitulatif des règles de la photographie souterraine dans ce traité, « telles que […] les as fournies [à Martel] une expérience de quatre années consécutives et d’environ un millier de clichés […] : allongement de la pose ; accroissement de l’intensité d’éclairage ; emploi des petits appareils ; emploi de longs foyers et de petits angles ; emploi des grands diaphragmes et de la source lumineuse unique ». Ibid., p. 56.↲

[143] Voir la note 1.↲

[144] Ed. G., « Bibliographie. Analyses et comptes rendus d’ouvrages », op. cit. : « Tout le monde connaît les beaux travaux de M. E.-A. Martel ; il s’est donné pour mission, souvent difficile, parfois même périlleuse, de déterminer la géographie souterraine, partout où il lui était possible de descendre dans les entrailles de la terre, en France et à l’étranger. Dans ses nombreuses et audacieuses explorations, il a eu souvent recours à la Photographie pour nous retracer les images originales et grandioses des forêts, des lacs, des cours d’eau découverts sous notre sol. Il nous devait de nous faire connaître les moyens employés par lui pour obtenir ces curieux paysages qui se cachent sous nos pas. Tel est l’objet de La photographie souterraine. »↲

[145] Voir la note 142.↲

[146] Comparer par exemple Édouard-Alfred Martel, « La photographie souterraine », BPCP, op. cit., p. 258-259 et Édouard-Alfred Martel, La photographie souterraine, op. cit., p. 9.↲

[147] Gaston Bonnier, « Rapport sur le Grand prix des sciences physiques décerné en 1897 à M. J. Vallot », Annales de l’Observatoire météorologique du Mont-Blanc, 1898, vol. 3, p. 11-13.↲

[148] Joseph Vallot, Classification iconographique générale établie pour le service de classement du musée des Photographies documentaires […], Paris, Cercle de la librairie, 1895-1896.↲

[149] Joseph Vallot, « Photographie instantanée des grottes et des cavernes », op. cit. ; et Joseph Vallot, « Photographie souterraine. Grottes, carrières et catacombes », op. cit.↲

[150] « Réunion des sociétés savantes des départements à la Sorbonne. Sous-section de photographie. Séance du 16 avril 1895 », MP, 2^e série, 1895, vol. 2, n^o 11, p. 165-166.↲

[151] Léon Vidal, « Académie des sciences », MP, 2^e série, 1898, vol. 5, n^o 7, p. 104.↲

[152] Voir par exemple la note 96 ; ou encore Georges Mareschal, « Notre illustration », PG, 25/12/1898, op. cit. ; Albert Reyner, L’année photographique, op. cit., p. 313 ; Charles Finaton, « La photographie à la lumière artificielle », NP, 1904, vol. 11, n^o 5, p. 72 ; et « Bibliographie », supplément au PG, 25/10/1905, vol. 15, n^o 12, p. XV.↲

[153] Vallot est par exemple élu président de la Société pour l’année 1898 lors de l’Assemblée générale du 23 décembre 1897 (« Assemblée générale du 23 décembre 1897. Présidence de M. Joseph Vallot, vice-président », Spelunca, 10/1897, vol. 3, n^o 12, p. 154). Comme en atteste la lecture des numéros de la revue parus en 1898, il assumera totalement les charges incombées par ce rôle.↲

[154] Dont la correspondance n’a malheureusement laissé aucune trace à ce stade de mes recherches.↲

[155] Édouard-Alfred Martel, « La photographie souterraine au magnésium », Roger Aubry (dir.), Annuaire général et international de la photographie, Paris, Plon, 1905, p. 411.↲

[156] Ernest Cousin, « Séance générale du 24 juin 1927 », BSFP, 3^e série, 07/1927, vol. 15, n^o 7, p. 185, 189, 191-192.↲

[157] Voir la note 125.↲

[158] Édouard-Alfred Martel, La France ignorée, Paris, C. Delagrave, 1928, p. 12.↲

[159] Voir notamment les comptes rendus parus dans les revues de géographie à l’occasion de la publication par Martel de son dernier ouvrage, La France ignorée, op. cit. : Raoul Blanchard, « [Compte rendu de] Martel (É.-A.). — La France ignorée. Sud-Est de la France », Revue de géographie alpine, 1928, vol. 16, n^o 3, p. 685-690 ; Lucien Gallois, « La France ignorée », Annales de Géographie, 1931, vol. 40, n^o 223, p. 73-80 ; et Jean Sermet, « Martel (E.-A.), La France ignorée, Tome II. Des Ardennes aux Pyrénées », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, 1932, vol. 3, fasc. 1, p. 100-106. Cet échec de la disciplinarisation de la spéléologie a été étudié, mais sans tenir compte des enjeux et de la réception des photographies de Martel, dans Pierre-Olaf Schut et Matthieu Delalandre, « L’échec d’une discipline : montée et déclin de la spéléologie en France (1888-1978) », Revue d’histoire des sciences, 2015, vol. 68, n^o 1, p. 81-107.↲

[160] Pierre-Olaf Schut, « E. A. Martel, The Traveller Who Almost Become an Academian », Acta Carsologica, 2006, vol. 35, n^o 1, p. 149-157.↲

[161] Les citations qui suivent sont extraites de Clément Chéroux, Vernaculaires, op. cit., p. 97.↲

[162] Ami et compagnon d’explorations souterraines de Martel, mieux connu comme astronome amateur, vulgarisateur et artiste spatial. Voir notamment Elsa de Smet, Voir l’espace : astronomie et science populaire illustrée, 1840-1969, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2018 ; et, sur ce carnet, Laurence Guignard, « Entre dessin et photographie : l’imagerie astronomique amateure », https://ams.hypotheses.org/1431 (consulté le 01/05/2021).↲

[163] Voir la note 110.↲

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