Honoré Vial (1865-1917), un amateur ordinaire et ses archives – Nathalie Richard

J’ai pu consulter les archives privées de la famille Vial, au Cannet, lors d’une mission réalisée en juillet 2019.

Honoré Vial (1865-1917), qui pratiqua l’archéologie en amateur dans les environs de Cannes au début du XX^e siècle, n’a laissé que peu de traces dans l’histoire publique de l’archéologie. Tout juste apparaît-il en 1909-1910 dans le Bulletin de la Société préhistorique de France, dont il devient membre en 1910. Un court texte envoyé à la revue catholique de diffusion scientifique Cosmos en 1908 portant sur les enceintes préhistoriques des environs du Cannet avait attiré sur lui l’attention des préhistoriens. Mais les archives familiales et l’intérieur de sa maison sont riches d’informations, et la figure de Vial permet de poser toute une série de questions méthodologiques relatives à l’histoire des amateurs en science.

La première concerne les traces qu’ils ont laissées. Celles-ci sont à la fois, dans bien des cas, surabondantes et lacunaires. Les archives ont aussi souvent été revisitées par la famille qui a pu les trier en les expurgeant de tout ce qui relevait de la vie « non savante », privée ou professionnelle, privant l’historien d’informations portant sur le quotidien de l’amateur. Elles ont pu également être réorganisées en fonction des usages familiaux qui en ont été faits, notamment dans le cadre de la construction ou de l’entretien de la mémoire familiale. Tel est le cas d’Honoré Vial, dont la fille Geneviève entreprend de faire revivre le souvenir par une conférence portant sur « Le Cannet préhistorique » donnée en 1947 devant la Société scientifique et littéraire locale dont elle est l’une des animatrices. Les archives qui documentent l’activité savante d’Honoré dans les papiers de la famille Vial ont ainsi été retravaillées par sa fille sans qu’il soit possible d’évaluer ce qui a pu être perdu dans cette opération.

Les collections d’amateurs ont souvent aussi subi des dispersions, des amputations ou des réorganisations. Beaucoup d’objets (pas tous) aboutissent dans les collections publiques, mais il est rare que la collection, dans sa dimension souvent très hétéroclite, ait été conservée dans son intégralité. Le cabinet Salvador à Barcelone, constitué par une famille d’apothicaires à partir du XVII^e siècle et enrichi jusqu’au début du XIX^e siècle, ou encore la collection Joseph Denais léguée à Beaufort-en-Anjou constituent des cas exceptionnels. Les héritiers d’Honoré conservent ainsi des bribes de la collection, amputée notamment de son volet numismatique qui a selon toute probabilité été vendu pour des raisons économiques. Ces objets sont toutefois intéressants dans leur matérialité. Ils montrent par exemple comment les silex et les tessons préhistoriques pouvaient être montés en « tableaux » (ainsi que les désigne un inventaire manuscrit), sur le modèle des panoplies ethnographiques ou naturalistes, et exposés sur les murs dans les intérieurs des amateurs.

Le cas d’Honoré Vial pose également la question de la pratique des sciences dans le cadre familial. La collection archéologique de Vial n’est en effet pas l’œuvre du seul Honoré, mais les archives révèlent qu’elle a été en partie constituée par sa femme, Gabrielle Mazel-Vial, du vivant d’Honoré et après sa mort. Celle-ci entretient notamment en 1908 une correspondance avec un numismate parisien, qui lui donne à distance, ainsi qu’il l’indique, un « modeste cours de numismatique ancienne ». Elle constitue ensuite une collection, depuis disparue, mais dont un inventaire manuscrit donne la description.